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Le beau Cyrille Thouvenin

ARCHIVES 2001-2002

 

Mise a jour du 1er Octobre 2002

 

Bonjour et bonne rentrée ( et bienvenue a tous nos nouveaux EM-camarades) !

Apres quelques mois d absence, un petit topo tout de meme sur ce que vous avez pu voir au cinema cet été et sur ce qui vous attend dans les toutes prochaines semaines. Je me trouve, et ce jusqu´en Decembre a Berlin, et comme vous pourrez le constater, je ne pourrai donc pas voir toutes les sorties francaises jusqu a Noel, sauf exceptions, et vous devrez vous contenter des quelques gros machins américains que la capitale allemande (au parc de salles tout a fait américanisé, comme l ensemble de la culture mediatico-commerciale teutonne d ailleurs) nous balance au cinema.

Commencons d abord par un tout petit bilan de cet été.

La France Raffarinienne n a connu pendant ce pauvre été 2002, passée une AUBERGE ESPAGNOLE de Cedrick Klapisch aussi jouissive que bien-pensante, qu un seul veritable blockbuster, en l occurrence MEN IN BLACK II (MIIB), nouvel opus des aventures pseudo-droles du couple Will Smith / Tommy Lee Jones. Film malade et petard mouille (aux USA, le film a stagné aux alentours de 200 millions de dollars de recettes), ce nouvel (et vraisemblablement dernier) episode des pérégrinations nocturnes des agents J. et K. est réductible a son bestiaire lassant de creatures et a l anémie ahurissante de Lara Flynn Boyle. Bon en meme temps, Will smith en allemand, il faut s accrocher. Mais on rit assez peu, et a l instar de l agence MIB qui n est devenue dans ce second film qu une passerelle administrative, MIIB ne s avere qu une resucee commerciale et plate d un premier episode mal rythmé mais qui avait au moins le mérite d etre un tant soit peu métaphorique.

Croyez-moi si vous voulez, mais la meilleure grosse production americaine de ces deux mois aura été incontestablement, et la vous allez etre outrés, le SCOOBY-DOO LIVE de Raja Gosnell. Certes, vous n avez pas vu le film (j y suis personnellement allé a reculons). Mais il n en demeure pas moins que c est une incroyable surprise. Inventif, dynamique, cette tres tres bonne matérialisation du dessin anime Scoubidou des studios Hanna-Barbera respecte a fond le genre du dessin animé (decors geniaux, réalisation parfaite et montée sur ressorts ; personnages bien utilisés, intelligemment segmentés ; excellent casting ; brillante animation du chien Scooby-Doo), et a au moins le merite d etre tres drole (la cible restant cependant assez bas-agée). Gros point fort du produit (ne parlons quand meme pas de film), son casting perspicace : soit les acteurs ont une gueule de cartoon (Rowan Atkinson en premier, oui oui, Mr Bean), soit ils font une gueule de cartoon, ils s amusent et ca se voit (Sarah Michelle Gellar hyper caricaturale, Freddie Prinze jr dans une tres bonne auto-derision, Matthew Lillard virtuose, et Lisa Cardellini bien campée), sur fond de scenario simpliste et tant mieux. Mais l histoire etant secondaire, c est l utilisation des personnages qui est assez magistralement developpée (voir la scene de l échange des ames, tres bien vue). On en ressort avec un sourire aux levres inattendu, encore mieux que Spy Kids. Raja Gosnell (tacheron anonyme de choses comme Maman, je m occupe des mechants ! ou College Attitude) et son armada de scenaristes ont compris a merveille les recettes du genre dessin animé, et les retranscrivent en live avec virtuosite.

Pour rester un peu dans les gamineries, parlons maintenant de SPIRIT, LE MUSTANG SAUVAGE (c est le titre allemand ; en Vo ca donne STALLION OF THE CIMARRON, et en VF, il faut s attendre a L'ETALON DES PLAINES, comme chez les pornos gays de Bel Ami). Aussi simpliste que grandiose, c est un dessin anime traditionnel des studios Dreamworks (que je continue a plebisciter), realisé par deux femmes (d ou un sentimentalisme heureux et un refus des exigences des studios). Si vous aimez la premiere sequence vertigineuse du Dinosaures de Walt Disney, vous adorerez la beaute animée de Spirit, empli d echappées galopantes et aériennes, d une fluidite rare, d un realisme psychomoteur jouissif, sur fond de morceaux de bravoure musicaux (exceptionnelles chansons de Hans Zimmer et Bryan Adams, tres bien traduites en Allemand en tout cas). Tres emouvant et epoustouflant, Spirit detonne par son innocence et son mutisme bienvenu. Le premier quart d heure est extraordinaire.

Pas encore distribué en france, mais ca ne saurait tarder, j ai enfin vu DER SCHUH DES MANITU, en version extra-large, le plus gros succes du cinema allemand. Ecrit, réalisé et interprété (deux personnages) par Michael "Bully" Herbig (superstar comique allemande), cette comedie deconnante est monstrueusement hilarante. Je n ai eu beau rien comprendre aux dialogues (ce qui est, vous me l avouerez, un peu genant), les nombreux gags visuels ENORMES de cette comedie exceptionnelle (entre une parodie des westerns, les films des ZAZ et le talent de Mike Myers) à la realisation virtuose, suffisent largement a en sortir incroyablement hilare.

Sorti debut Septembre dans la France d en bas et aussi d en haut, l opus historico-sentimentalo-guerrier d un John Woo americanisé irrécuperablement, WINDTALKERS (les messagers du vent, ouarf ouarf), enorme four au box-office americain et enorme nullité aussi. Bref, un énieme (grand) film de guerre, a la specificité un peu vaine, et éculée dans de nombreux films d autres genres (un parallele sur l integration de soldats navajos pendant la Seconde Guerre, noyé dans une succession de grosses batailles repetitive, et le pathos d un Nicolas Cage traumatisé par ce qu il a vecu et ce qu il vit). Simpliste, empli de bons sentiments, incroyablement demonstratif, cet echec total n ouvre pas vraiment a une reflexion plus poussee.

Autre deception (et pourtant j aurais parié que ce serait la surprise du mois, a la Tim Burton), le ARAC ATTACK, bref les araignees qui envahissent une pauvre ville paumee au fin fond des Etats-Unis. Bien fait mais pas drole. Meme pour mon petit allemand qui a tout compris mais qui avait mieux a faire avec moi dans l obscurite du cinoche (c est un excellent film de samedi soir serie B pour les amoureux).

A l inverse, tres bonne surprise pour LA SOMME DE TOUTES LES PEURS (THE SUM OF ALL FEARS), adaptation simplifiee du Tom Clancy en pleine fausse guerre froide, quatrieme opus des aventures cinematographiques de Jack Ryan, agent de la CIA (qui avait ete interprété par Sean Conney dans A la Poursuite d Octobre Rouge, et par Harrison ford dans Jeux de Guerre et Danger Immediat). cela faisait longtemps que Hollywood ne nous avait pas refourgué un film de ce genre (j appelle ca un film d action froid), mais il faut croire que le producteur Mace Neufeld a voulu insidieusement surfer sur la vague post-11 septembre (c est a dire la non-catharsis) et le succes de la series A la Maison Blanche (The West Wing, sur NBC). Au final, un film glacant, avec un Ben Affleck convaincant, realisé serré et sans fioritures, tres vraisemblable diplomatiquement et politiquement.

Puisque j alterne dans cette chronique du meilleur au pire, venons.en maintenant a MR. DEEDS, remake du film de Capra (aaaarghhh), avec Adam Sandler. Si vous ne connaissez pas l énergumene, allez dans votre pire videoclub, et tapez vous Waterboy ou Little Nicky. Vous comprendrez le mauvais humour americain. Mais qu est venue faire la mignonne Winona Ryder dans cette galere ? Le film sortant en france en Janvier, j espere vous avoir prevenu assez longtemps a l avance.

Si vous cherchez quelque chose de frais, drole et de bien joue, reportez vous donc sur ABOUT A BOY, nouvelle comedie anglaise de la boite de production et de scenario Working Title (Notting Hill, dernierement), associée pour la peine aux metteurs en scene américains Chris et Paul Weitz (American Pie). Par chance, l influence anglaise aura été la plus forte. Hugh Grant est de retour en bon acteur, dans cette comedie fraiche et drole sur un celibataire consommateur qui se lie d amitie avec un petit ado un peu décalé, etc etc... Adapté du roman de Nick Hornby (High Fidelity), c est aussi un hymne aux canards. Vous comprendrez quand vous l aurez vu. Le film devrait arriver en France a l Automne.

Vous aurez donc remarque o combien j en ai rate des films cet été, dans les cinemas francais que j ai lachement abandonnés. Certains films etant sortis depuis des lustres en Allemagne (JEEPERS CREEPERS, dont tout le monde dit du bien) ou pas encore (ALLUMEUSES - THE SWEETEST THING, truc degueu avec Cameron Diaz), je completerai les manques au fur et a mesure des sorties teutonnes.

Mais pour vous guider dans la jungle des sorties de rentrée francaises : un petit guide sur les films que, chanceux, vous etes capables de voir. Ah si il y a bien L'ADVERSAIRE, que j avais vu a Cannes dans son montage original, injustement démonté par la critique alors, l´adaptation par Nicole Garcia (realisatrice du Fils Prefere notamment, actrice extraordinaire dans Kennedy et Moi ou Betty Fischer et autres histoires) du roman éponyme d Emmanuel Carrere. Revisitation aussi de l histoire de Jean-Claude Romand, dont l aspect professionel si je puis dire avait ete disséqué dans le tres bon L EMPLOI DU TEMPS de Laurent Cantet au debut de l annee. Pour parrler de L'Adversaire, il faut connaitre les definitions exactes des termes obsession et opression. Film antipathique, c est une oeuvre d art auto-suffisante (sans pejoration aucune), subtile et profonde, transcendée par un Daniel Auteuil joliment absent. Avec quelques jolis cotés balzaciens. Je vous incite a prendre le risque.

Parmi les prochaines sorties francaises, je pioche dans les dossiers de presse et ce que je peux trouver par ci par la sur Internet et il faut a mon avis retenir :

LE CHIGNON D'OLGA, film d été de jeunots, aux accents rohmeriens

ETRE ET AVOIR, LE documentaire magistral et nostalgique, presque palpable et olfactif, sur les annees d école, dans une classe unique d un petit village d Auvergne. Nicolas Philibert, documentariste de l exceptionnel "La moindre des choses", a ete encensé par toute la presse, des Inrockuptibles (incroyable) au Nouvel Obs (un peu normal).

FAUSTO 5.0, qui confirme l inventivité du genre thriller et action dans le cinema espagnol.

SALTON SEA, polar noir de D.J. Caruso qui apparamment temoignerait que Val Kilmer peut etre un bon acteur.

Le 4 septembre :

LA VIE PROMISE, d Olivier Dahan (metteur en scene du surestimé Deja Mort), qui permet a Isabelle Huppert d obtenir 25 pages dans Studio Magazine (sic). Critiques partagees.

AUTOUR DE LUCY, pour les filles et les pédés que David Boreanaz fait tripper.

Le 11 Septembre :

LES DIABLES : Christophe Ruggia, auteur du tres bon "Le gone du Chaaba", signe un film tres derangeant sur la cavale furieuse de deux enfants autistes.

FILLES PERDUES, CHEVEUX GRAS : avec un titre comme ca et Marina Fois notamment dans un role principal, ca retient mon attention.

11'09'01 : Onze courts metrages sur le 11 septembre, sans doute inegaux certes, mais par 11 "grands" relaisateurs : Samira Makhmalbah ("le tableau noir"), Claude Lelouch ("un homme et une femme"), Youssef Chahine ("le Destin"), Danis Tanovich ("No Man´s land"), Idrissa ouedraogo ("Samba traore"), Ken Loach ("Raining Stones"), Alejandro Gonzales Inarritu ("Amours chiennes"), Amos Gitai ("Kippour"), Sean Penn ("The Pledge"), Shohei Imamura, Mira Nair. 11 nationalites, 11 styles, 11 regards. 11 raisons de s y interesser

LE PRINCIPE DE l'INCERTITUDE : suis-je donc le seul garcon de 20 ans a aimer les films de Manoel de Oliveira ?

LES SENTIERS DE LA PERDITION ("Road to Perdition") : vu que je vais le voir ce soir, je vous en dis plus bientot.

VENDREDI SOIR : le nouveau Claire Denis ("beau travail") reunit Vincent Lindon et Valerie Lemercier, qui semble enfin assumer sa feminite dans cette furtive histoire d amour nocturne. Ni la Lemercier des Visiteurs, ni celle talentueuse du Derriere, ni celle de ces spectacles sanglants qu elle n enregistre jamais en video. Une autre Valerie Lemercier.

Le 18 septembre :

BLANCHE : une pantalonnade moyennageuse de Bernie Bonvoisin avec Lou Doillon et Jean Rochefort. Notamment... Ca peut etre l eclat de rire a la con du mois de Septembre.

CALLAS FOREVER : le conformisme pede politiquement correct voudrait qu on se precipite sur cette guimauve (selon les critiques) de Franco Zeffirelli avec Fanny Ardant, Jeremy Irons et Joan Plowright. Libre a vous.

K-19 : LE PIEGE DES PROFONDEURS ("K19 : the widowmaker"). Realisation feminine et musclee (Kathryn Bigelow) et Harrison Ford avec l accent russe. L'autre echec commercial de l été americain ne peut pas surpasser l'excellent U-571. Je vous en dis plus la semaine prochaine. Un sous marin restant une longe tige dure et aux parois pleines de sperme (Coluche)

PHOTO OBSESSION ("One hour photo"), de Mark Romanek : apres Harrison Ford en russe, Robin Willians en psychopathe. Une sensation tres efficace, apparemment. Je le vois tres prochainement egalement.

PLUS JAMAIS ("Enough"). Depuis quelques annees, Michael Apted ne signe que des merdes. Ici l histoire est edifiante : Jennifer Lopez se met a faire du kick boxing pour se defendre contre son ex mari un peu trop collant. Ca vous suffit ? C'est un peu triste pour Billy Campbell, quadragenaire bellatre dans l'excellente serie Once & Again, et qui pour ceux qui ne le savent pas encore, est un acteur ouvertement gay.

SIMONE, de Andrew Niccol. Le scenariste du Truman Show et realisteur de Bienvenue a Gattaca signe son deuxieme film. Un tout petit peu decevant apparemment. Je le vois la semaine prochaine.

TEN : de et avec Abbas Kiarostami. Bien accueilli a Cannes

UNE PART DU CIEL : Severine Caneele, RMiste devenue actrice palmée a Cannes pour L'Humanite il y a quelques annees, dans son deuxieme role. Comment s en sort-elle ?

Kuss Kuss Kuss

Bertrand

 

Mise a jour du 25 Juin 2002

 

CALCULS MEURTRIERS
(“Murder By Numbers”)

De Barbet Schröeder

On ne s’est pas encore remis de son brillant “La vierge des tueurs”, gay, nihiliste, violent, colombien. Schroeder retourne à Hollywood pour filmer ce faux thriller de commandes, extrêmement et volontairement antipathique, flirtant sur quelques touches sur l’ambiguïté sexuelle (Sandra Bullock, volontairement l’inexpressivité faite actrice, ce qui a dérouté certains, paraissant masculine et impassible ; la relation entre les deux tueurs est d’une proximité… insidieusement homosexuelle). S’il n’y avait pas ce curieux et déstabilisant ton général, « Calculs meurtriers » ne serait pas d’une grande originalité. Sinon celle de confirmer les talents des jeunes Ryan Gosling (« Danny Balint ») et Michael Pitt (cochonou dans la série « Dawson », amoureux d’un travesti dans « Hedwig and The Angry Inch »), et d’offrir à Sandra Bullock un rôle foncièrement antipathique.

 

INFIDELE
(“Unfaithful”)

D’Adrian Lyne

Remake linéaire et simplifié du chef-d’oeuvre de Claude Chabrol, “La femme infidèle”. Ca aurait pu tourner au graveleux de la part du réalisateur de « Liaison fatale » certes (bon film de luxure), mais aussi des racoleurs « Proposition indécente » et du remake de « Lolita « ). Il n’en est rien. Le film est plutôt juste, donnant enfin à Diane Lane un vrai grand rôle, et à Richard Gere de nous livrer enfin une de ses meilleures performances depuis des lustres. Olivier Martinez fait le beau.

 

IN THE BEDROOM

De Todd Field

L’épreuve du deuil et la vie dans une petite société américaine (et j’emploie volontairement le terme “société”) sont les principaux thèmes de ce film minimaliste. Grand succès dans le circuit indépendant américain l’année dernière, « In the Bedroom » n’est en fait qu’un « Sous le sable » et « la chambre du fils » bis, la volonté de vengeance en plus. Cependant, la performance exceptionnelle de Tom Wilkinson (plus que celle de Sissy Spacek d’ailleurs) ainsi que celle de la comédienne’ interprétant la petite amie du défunt fils (j’ai oublié le nom désolé) suffisent à recommander ce long-métrage.

 

SUR LE BOUT DES DOIGTS

De Yves Angelo

Le réalisateur du « Colonel Chabert » avait connu un bide phénoménal avec « Voleur de vie », film austère sur le rapport amoureux-conflictuel de deux femmes. Avec « Sur le bout des doigts », ce sont un rapport finalement insidieusement infanticide entre une mère et sa fille, qui occupe l’écran. Et cela physiquement : longs plans dits riches de sens sur les regards, les nuques… bref, c’est de l’intellectualisme qui se veut bergmannien. L’histoire y est pourtant ultra-classique : la mère est prof de piano, sa fille est meilleure qu’elle, est bien partie pour en faire son métier, ce que sa mère elle n’a jamais réussi à accomplir. La mère se reporte constamment à sa fille, et sa haine avec (haine de soi -à haine de sa fille, jalousie de sa fille…). Très bien joué, un faux grand film donc, malade et intéressant.

 

GHOST WORLD

De Terry Swigoff, d’après une BD de Daniel Clowes

Immense chef-d’œuvre. Partant d’un thème de départ alléchant (fable sur l’a-sociabilité américaine de deux ados en marge du conformisme américain), « Ghost World » egorde de richesses sur les rapports humains universels . un film extrêmement dense. Thora Birch (« American Beauty »), drôle et cinglante, pleine de contradictions, absolument parfaite, et Scarlett Johansson, ainsi que Steve Buscemi, sont brillants. Le film de cette première moitié 2002. A coupler avec « Donnie Darko ». Je ne vous en dis pas plus. Précipitez-vous.

 

APPARITIONS
(« Dragonfly »)

De tom Shadyac

« Par les producteurs de Sixième Sens », clame l’affiche. La subtilité scénaristique et réalisatrice en moins, l’appât du gain en moins. Kévin Costner y est passable, mais rappelons que Tom Shadyac est quand même le réalisateur de « Docteur Patch ». Le film se donc laisse voir, mais n’a pas non plus grand intérêt.

 

STAR WARS, EPISODE II : L’ATTAQUE DES CLONES

De George Lucas

Petit film d’art et essai sur lequel je ne dirai rien… Non sérieusement, le film est visuellement bon, mais comme tous les Star Wars, qui se veulent pans d’une grande Tragédie ou allégorie moderne, le scénario et l’interprétation sont absolument infâmes. Le beau petit jeune Hayden Christiansen est franchement bien peu subtil. Mais qui parle de subtilité ?

 

SEX IS COMEDY

De Catherine Breillat

Breillat se filme elle-même dans le corps d’Anne Parllaud pour un fil sur la réalisation d’un film comportant des scènes intimes. Alternant le futile et l’intéressant, la réalisatrice, dont le « Romance » était, oui oui, un œuvre intensément riche, réussit une variation sur la création en général, sur l’accouchement d’une œuvre, d’une part, et sur la psychologie de l’acteur face au sexe. Anne Parillaud est exceptionnelle et pleine de contradictions.

 

MISSION EVASION
(« Hart’s War »)

De Grégory Hoblit

Film américain à procès racial dans un camp de concentration !!!! Tout film grave et réaliste traitant de cette période historique mérite de près ou de loin notre considération, Bruce Willis y est plutôt bon, la reconstituton bonne… mais quand même, l’histoire, que ne vont-ils pas inventer ? -et merci au titre français qui dévoile tout.

 

LE DEFI

De Blanca Li

Une bonne surprise finalement ! Bravo à Blanca Li qui a absolument TOUT fait dans/pour ce film, du rôle principal à la mise en scène aux chorégraphies au scénario. Comédie musicale, ou plutôt chorégraphiée, sur le hip-hop, LE DEFI réussit vite à faire oublier ses nombreux côtés ridicules (ses effets cheap d’accélération, maladresses pompages d’Absolutely Fabulous, avec Blanca Li et Amanda Lear…), pour en devenir jouissif. Blanca Li a autant une tronche qu’énormément d’abattage. Toute scène est prétexte à une démonstration de hip-hop. Les audaces chorégraphiques passent finalement très bien (mixer du hip-hop avec du Fred Astaire). On déconne vite (me^me les effets spéciaux finals, grotesques, prouvent que le film ne se prend pas au sérieux). Insidieusement, c’est un peu une sorte de mariage avec une certaine culture homosexuelle et celle de lascars de banlieue.

 

AND NOW… LADIES AND GENTLEMEN

De Claude Lelouch

Notre ami Claude Lelouch semble définitivement perdu. Son prochain film, s’il continue comme cela, pourrait être « Le jour et la nuit » de BHL, nanar prétentieux par excellence. Très bonne idée pourtant de réunir pour son premier grand rôle Patricia Kaas, qui c’est vrai à une gueule de cinoche, et le britannique «Jeremy Irons. Encore faut-il avoir de la substance derrière. Ici, on baigne dans une léthargie touristique, aux sons des magnifiques mais nombreuses et envahissantes reprises chantées par Patricia. On notera quelques grandes répliques/réflexions se voulant grandes, mais qui sont en fait des aphorismes involontairement hilarants. Risible et prétentieux, hyper-maladroit, le film accumule le casting star, ou plutôt bourge. Il faut quand même faire preuve d’une absolument grotesque fausse humilité pour oser faire figurer bernard montiel, syymbole de l’opportuniste jet-set tropézien, dans un rôle d’agent d’entretien de la ventilation sur les toits, un balai dans la main !

 

HOLLYWOOD ENDING

De Woody Allen

Rendons grâce à Woody Allen pour enfin donner un rôle à la femme de tête (une des seules dont je pourrais tomber amoureux) qu’est Téa Léoni, superbe blonde aux yeux profonds, apparue intensément émotionnelle dans « deep impact » et joyeusement dépassée dans sa sitcom « Une fille à scandales » (« The Naked Truth », NBC), seulement connue pour être la femme de David duchovny (alias Mulder dans feu « the X files » sur fox). En fait, ce dernier opus (son second film en un an !) de Woody vaut surtout pour son casting jouissif de seconde zone (téa Léoni, que beaucoup ont donc à tort relégué là, mais aussi debra Messing, superstar de la sitcom gay « will & grace » les jeudis soirs à 21h sur NBC, tiffani Amber-Thiessen, de « Sauvés par le gong » et « Beverly hills 90210 », Treat williams, mister série B) qu’il arrive à transcender. «Hollywood Ending » est incontestablement la comédie d’Allen la plus accessible et commerciale, tant elle se base finalement largement plus sur un quiproquo malin mais facile que sur la spécificité névrotique d’Allen. Drôle, mais spécificiquement allénien donc.

 

UNE PURE COINCIDENCE

De Romain Goupil

Il n’existe pas de cinéma plus spo,ntané que ce film, Goupil se filmant avec sa bande de potes à faire ces coups foireux politiquement protestaires. Cela aurait pu relever des meilleurs reportages de l’émission « strip-tease », mais certaines scènes complètement hors-sujet (on filme l’anniveraire de sa fille) rendent l’essai plutôt incongru.

 

KEDMA

D’Amos Gitai

Selectionné à Cannes cette année, cette respiration métaphorique et historique sur la création de l’Etat d’israel relève d’un cinéma ésotérique, incontestablement riche, mais ennuyeux dans son ensemble. Amos gitai s’attarde souvent dans de longs plans-séquences, qu’il avait su se refuser dans « Kippour », seul vrai chef-d’œuvre du cinéaste.

 

SEX ACADEMY
(“Not another teen movie”)

De Joel Gallen

On a connu les films des ZAZ (Zucker-Abrahams-Zucker) parodiant les enquetes policières hollywoodiennes (la série des “Y a-t-il un flic… ?”), les films catastrophe (« Y a-t-il un pilote dans l’avion ?» ), plus récemment ceux des frères Wayans (« scary movie 1&2 ») pour les slasher movies (les trois « scream », les deux « Souviens-toi… l’été dernier »), on a connu les comédies de collège de John hugues (dont le culte et génial « La folle journée de Ferries bueller »), leurs déclinaisons sexuells récentes (« American Pie 1 & 2 »), et les teen movie récents (du genre « Elle est trop bien »). Reprenant la structure de ce dernier exemple, « sex academy » (bravo pour la traduction opportuniste française, mais l’américaine est plus convaincante : « not another teen movie ») est une parodie de tout cela. Les gags ne sont pas franchement hilarants, et l’humour y est de toute sorte (pipoiècaca, ou parodie, ou parodie de parodie, ou pastiche, ZAZ, ou mise an abyme), le film en devient tellement riche et divers (si si) qu’éprouvant. La volonté première (mettre à mal les teen movies IS) est largement respect&e ; manque juste le plaisir premier du spectateur, un peu lassé par le rythme bizarre du film en général.

 

RIDERS
(« Team Riders »)

De Gérard Pirès La formule Besson (“taxi 1 & 2”, “Yamakasi”, “Wasabi”) du film d’action français et commercial trouve avec “Riders”, co-production canadienne, ses édifiantes limites. Le réalisateur Gérard pirès (à qui l’on doit le premier « Taxi ») a beau multiplié les supports des morceaux de bravoure (roller, parachute, escalade…), son « riders » est tellement mal écrit et mal monté que les « Yamakasi » et « Taxi » en paraissent presque comme des films pleins de fraicheur. Cet hybride avec l’action à l’américaine est donc absolument nullissime.

 

IRREVERSIBLE

De Gaspard Noé

Je me sens un devoir d’utilité publique de dire tout le mal qu’on peut légitimement penser d’un film comme IRREVERSIBLE, qui (n’) a (pas) été le scandale à Cannes cette année.

IRREVERSIBLE est le film d’un petit con parkinsonien, alias Gaspard Noé, d’une incroyable hypocrisie, baisant le spectateur de bout en bout, et un film finalement très réactionnaire.

En choisissant une construction "à l’envers", Noé voulait sans doute se démarquer : choix en fait plutôt gratuit, peu révolutionnaire, et surtout franchement vicelard. Expliquons-nous. Cette construction cache très mal sa volonté dégueulasse de choquer pour choquer.

La deuxième scène du film se passe dans une backroom gay tendance SM, (bien) filmée comme l’enfer" (on reconnait en fait Le Dépot, de la rue aux Ours à Paris, "rougi" par l’éclairage, mon Dieu quelle inventivité), par une caméra virevoltante, instable, intenable (bête audace), le tout sur fond sonore d’une musique sourde et sinusoïdale, histoire de donner encore plus la nausée. Je passerai sur l’image qu’on donne de la communauté homo, là n’est pas mon propos. Ce qui est particulièrement odieux, c’est la violence, insoutenable, de la scène, montrant sans détour un mec se faisant exploser la tête par un Dupontel dans ses pires excès, le butant à coups d’extincteurs. Absolument insupportable.

Mais c’est surtout la scène centrale du viol de Monica Bellucci, sodomie forcée (forcément), scène absolument odieuse, scandaleuse : je ne joue pas les pères-la-Morale, je vois 160 films au cinéma par an, j’en ai vu des vertes et des pas mûres. Mais ici, Noé va, avec sa perversité détestable, trop loin dans le brut. Ce qui est encore plus inacceptable, c’est la lamentable hypocrisie insidieuse avec laquelle il choisit de filmer la scène. Car là, la caméra arrête de nous saoûler, et se fige, dans un plan-séquence fixe, insupportable, pour mieux nous faire voir le viol, pour mieux nous écoeurer, pour mieux nous traumatiser. C’est nul et c’est petit. Impossible d’y échapper, à ce viol (argument majeur de la promotion du film, sic), effroyable, pendant 15 minutes, dans un plan fixe voyeur et malsain, à peine justifié par la volonté de mettre la scène en rupture et en place centrale. le seul argument qui pourrait justifier ce choix d’un plan tout d’un coup fixe serait de dire que c’est la seule scène depuis le début du film qui n’est pas une scène de colère furieuse de vincent Cassel, rageur et incontrôlable. Ca n’excuse en rien cette dimension auto-satisfaite de filmer un viol sodomique. C’est comme si Noé nous disait : "c’est le plus beau viol que vous n’ayez jamais vu au cinéma". Connard. Ce plan fixe, pour filmer le viol, est un choix absolument pervers et méprisable, et Noé se trahit ici (comme il se trahit par ses coups de gongs introductifs, du genre : "vous allez voir ce que vous allez voir", ou alors symbolisant le destin terible de l’héroïne).

Mais ce n’est pas tout. Car après cette scène immonde, Gaspard Noé est coincé : il faut qu’il termine son film (ou plutôt qu’il le commence !), et on a droit alors à une succession inversée de plans-séquences explicatifs, extrêmement bien joués et mis en scène certes, mais quasiment vides de sens. Ca finit dans un grand instant à la Christine Boutin de défense de la féminité, de l’amour à nu, de la maternité (qu’on aura compris détruite "irréversiblement" a posteriori : c’est bien là le seul message de ce film) ; mais en passant d’un excès à l’autre, Noé ne peut faire oublier l’ignominie de ses trois premiers quarts-d’heure faussement virtuoses, nauséabonds, d’une brutalité voulue et malheureusement assumée, relevant de l’insoutenable, que l’on doit à un petit branleur qui s’est cru malin en coincant le spectateur dans ses propres fantasmes (la backroom homo SM, la violence "fascinante" du viol) d’apprenti cinéaste qui aime à se demander jusqu’où il peut aller. C’est lamentable, car le film aurait pu être bon : il y a de bonnes choses dans "Irréversible", à commencer par un final assez grandiloquent (malgré son indéniable dimension réactionnaire, comme pour se rattraper), et son interprétation brute et ultra-réaliste, car tournée sur le vif (ainsi, quand Bellucci et Cassel se retrouvent dans la fête, c’est une vraie fête, avec de vraies partouzes, si bien qu’on entend même Cassel se planter et dire qu’il s’appelle "vincent").

De bien maigres qualités finalement, comparées à l’odieuserie de ce film et à sa prétention. N’est pas "Funny Games" de Hanecke qui veut (long plan-séquence incroyablement signifiant sur la torture d’une famille innocence par leur bourreau), ou même "Baise-moi", ultra-violent et d’une sexualité perverse également, mais au moins riche de sens, et au moins discutable. Ici, il n’y a rien. "Irréversible" est une esbrouffe ignoble et réac’, qui s’amuse à nous plonger dans sa propre merde.

 

EMPRISE
(“Frailty”)

De Bill Paxton

Le sujet de cette première réalisation de l’acteur Bill Paxton (qui s ‘y réserve également un rôle principal) est aussi connu que casse-gueule : ces hommes ou femmes qui se mettent à tuer des « démons », convaincus qu’ils en sont dépêchés par dieu. Au final, EMPRISE est un bon exercice de style, un peu dépassé (on y retrouve une esthétique à la « Misery » de stephen king), mais volontaiement : c’est un film qui s’apprécie plus pour ses capacités à créer une ambiance insidieuse, que pour sa structure en flasjback, bien top narrative, et son boulevard faciles de surprises finales finalement attendues.

 

LE ROI SCORPION
(« The Scorpion King »)

De Chuck Russell

Premier blockbuster de la pré-saison américaine, ce spin-off, starring The Rock (superstar du catch américain) des deux episodes de “La Momie”, soit le film d’aventures exotique, est la definition même du B-movie. Exemple édifiant de dialogue-type : « O guerrier, ne combats pas seul la fureur de ses armées ! » (warf ! ). Scénario inexistant (un bon, un méchant), tentative éhontée de buddy-movie, film somme toute assez cheap, on a l’impression de voir le film de seconde zone que les scénaristes ratés écrivaient sur commande pour remplir le ticket (un grand film/une merde) que fournissaient les studios aux exploitants américains des années 50 (comme le héros dans « The Majestic », et son film : « les naufragés des îles incas »). Résultat : un démarrage de 45 millions de dollars au box-office américain. Sic…

 

K-PAX, L'HOMME QUI VIENT DE LOIN
(“K-PAX”)

De Iain Softley

C’est pour résumer Kévin Spacey qui débarque de sa planète et qui dit à tout le monde, et en premier lieu à un psy sceptique (redondance) qu’il vient d’une autre planète. Ni comédie ni drame, ce film avouable et faussement lumineux vaut surtout pour sa belle musique minimaliste (digne du Thomas Newman de « American Beauty ») signée Edward Shearmur et de l’interprétation ultra-crédible de Jeff Bridges, mésestimé. Le tout est classique, mais on s’y laisse prendre.

 

L’INTRUS
(“Domestic Disturbance”)

De Harold Becker

Harold Becker nous a offert des bons thrillers (voir “Malice” ou « City Hall »). Depuis « Code Mercury » (un Bruce Willis particulièrement mauvais), plus rien. Cette chose (avec un Travolta encore plus bouffi que Pavarotti) relève du degré 0 des recettes ultra-éculées du genre du film où-y’a-quelqu’un-de-méchant-dans-cette-vie-parfaite. Déjà vu et déjà oublié.

 

PANIC ROOM

De David Fincher

Pas grand chose à dire de ce thriller/huis clos realisé par le brillant metteur en scène des surestimés “Se7en”, « Fight Club » et « Alien 3 ». C’est de la belle ouvrage, porté comme attendu par une Jodie Foster, plus lesbienne que jamais, un scénario probable, et une caméra virtuose. La mécanique des retournements de situation (au sens complet du terme) en est presque sans surprise. Les fans de new-country que je suis auront le plaisir de découvrir dans le rôle du principal méchant un Dwight Yoakam, gigantesque star aux Etats-Unis, particulièrement dégueulasse.

 

L’ECHINE DU DIABLE

De Guillermo Del Toro

Le réalisateur (cultivé dans le genre du fantastique) de « Mimic » et « Blade II », soutenu par de nombreux critiques fans de films fantastiques, retourne sur ses terres espagnoles (où le cinéma du genre qui-fait-peur est en force, notamment depuis « La secte sans nom » de Jaume Balaguero) pour nous offrir un huis clos transpirant dans un internat pour enfants, perdu au fin fond de nulle part, et visité par l’esprit d’un enfant qui y est décédé. Malgré une réalisation et des décors appliqués, je m’y suis personnellement ennuyé, et trouvé le mélange entre « Sixième sens », Histoire et western particulièrement grotesque.

 

SAMSARA

De Pan Nalin

Ce film contemplatif a le mérite et l’originalité, car l’audace, de nous montrer la remise en cause d’un moine tibétain, qui, étouffé par les restrictions de toute sortes et surtout celle de sa vie au culte et à la prière, va quitter le monastère et faire sa vie en travaillant au champ, découvrant l’autre sexe, l’amour, le sexe, la paternité. Jusqu’à ce que son engagement spirituel le rattrape, le précipitant au plus effroyable des dilemmes qu’un homme/père puisse vivre. Aérien et grand, magnifiquement interprété par notamment un acteur principal d’une beauté à couper le souffle, SAMSARA souffre parfois de longueurs, mais reste incroyablement émouvant, de différentes beautés selon les scènes, dont cruelles. Un film à soutenir.

 

PARTY BOYS
(« Circuit »)

De Dirk Schaffer

Attention, à ne pas mettre devant tous les yeux : c’est 100% gay et super hot ! Plongée dans l’univers de muscles, de drogue et de decibels de l’éprouvant circuit (d’où le titre original) des grandes soirées gays californiennes, où des hordes de gym-queens et butchs draguent et baisent entre eux pour mieux se montrer qu’ils sont désirables, c’est un film d’une rare violence psychologique, aussi traumatisant qu’incroyablement bandant, et surtout absolument brillant, dans une interprétation ultra-crédible (des mecs parfaits, à commencer par l’ex-flic d’une petite ville qui se fait avaler par ce monde parallèle, bourré de codes, le film s’apparente alors à de la sociologie participative) et une réalisation pleine de malignité (aux deux sens du terme) et sous amphétamines. Sans aucun doute un des grands films sur le milieu gay américain, sur le culte du corps entre garçons (de son propre corps : effarante scène où un mec se fait l’amour à soi-même en se frottant à son image contre une glace), sur le milieu de la nuit, sur le milieu des stars du porno de chez Falcon Studios, sur l’amitié, vraie et fausse, sur le sexe homosexuel, sur la Californie, sur l’apprentissage sociologique des codes. On en sort en sueurs, bourré de confrontations. Une expérience cathartique, mais sans effets réels : c’est tellement chaud qu’on a envie de s’y replonger.

 

THE MAJESTIC

De Frank Darabont

Sur le papier, le film était extrêmement alléchant. Recettes oscarisables (ne serait-ce que par la grande longueur du film), Jim Carrey dans le rôle sérieux d’un film amnésique et donc manipulable (voir sa performance exceptionnelle dans « The Truman Show » de Peter Weir), Frank Darabont à la réalisation (malgré son récent et vicieusement réactionnaire « La ligne verte », il reste quand même le réalisateur de « Les Evadés – The Shawshank Redemption » et le scénariste des productions & réalisations Spielberg), une esthétique récemment reprise avec brio par des films excellents de second degré comme « Pleasantville », « Un jour sans fin » et « The Truman Show », un thème historique casse-gueule (Hollywood sous le mac-carthysme) sur fond d‘histoire humaine « Cinéma Paradiso ». Le résultat est imbuvable et lamentable. Malgré une plaidoirie anti mac-carthysme finale brillante et émouvante (bien qu’attendue), car d’un patriotisme pur et intelligent, THE MAJESTIC est un film lent et soporifique, planté par une première partie logique mais mièvre et répétitive (la vie d’une petite communauté sous les années 50, complètement aseptisée), achevée par des maladresses et/ou clichés ridicules et parfois d’un symbolisme lourdingue. Le parallèle métaphorique de cette histoire à la « Cinema Paradiso » apparaît même superflu.

 

UNE AFFAIRE PRIVEE

De Guillaume Nicloux

Les récentes tentatives de vrai polar noir à la française sont en général d’effroyables ratages qualitatifs (même si on y prend quand même un certain plaisir, du fait justement de l’absence de ce côté fermé, ésotérique et antipathique propre au vrai bon genre polar) ; voir le récent « Six Pack » avec Richard Anconina, par exemple. Aujourd’ui pourtant, l’on peut affirmer avec soulagement que Guillaume Nicloux, réalisateur du « Poulpe », rend une très bonne copie (car c’est un exercice de style) avec UNE AFFAIRE PRIVEE, qui se centre et s’enferme avec réussite autour d’un détective privé alcoolique et dépressif, à la recherche d’une jeune fille disparue. On se rend compte que cet homme est en quête de soi-même. Allégorie facile certes, mais présentée avec pas mal de finesse, portée par une enquête linéaire en proie à une délicieuse multiplicité de personnages (de « gueules », serait-on tenté de dire), et surtout supportée par un Thierry Lhermitte extraordinaire, dans son premier contre-emploi (ne serait-ce déjà que par ses cheveux gras !), se livrant sans pudeur à un jeu digne des meilleurs Richard Bohringer. Le grain de l’image est maladif, le film admirable.

 

 

A l’affiche au 24 Avril 2002

Au vu des quelques mails que j’ai reçus (preuve que quelques-uns d’entre vous prennent le courage de me lire), il est grand temps de faire un point sur les dernières sorties cinéma, puisque mes dernières critiques remontent à déjà un mois. Entre temps, j’ai il faut l’avouer quelque peu réduit ma consommation cinéma, en bon étudiant surchargé que je (ne) suis (pas). Alors, à défaut d’une critique individuelle pour chaque long-métrage, pour l’instant, voici une revue de ce qui se joue, actuellement, dans les salles de cinéma.

Commençons d’abord par l’événement français du mois, à savoir les sorties successives (et dangereusement rapprochées) de trois comédies à gros budget, sortes de blockbusters made in France, et ce par une nouvelle génération de « cinéastes » (les guillemets s’imposent largement).

Le premier à se lancer dans l’aventure (et c’est le cas de le dire), ce fut  LE RAID, de Djamel Bensalah, qui avait signé le film le plus rentable de l’année dernière avec « Le ciel, les oiseaux… et ta mère ! ». On prend ici les mêmes (les surexcités Lorant Deutsch et Julien Courbey, à défaut du retour de Jamel Debbouze) et on recommence, à savoir une bande de banlieusards lâchés dans un raid d’aventure en pleine Patagonie (rires). On nous promet de l’action, de l’aventure, de la déconne. Le budget est là, certes, et quel gâchis ! Prétentieux, pas drôle, raté, criard, aucun attachement au/de groupe. Les cautions Josiane Balasko et Yves Rénier (à qui l’on doit, contre toute attente, les scènes les plus drôles du film, gigantesque parodie  du langage militaire) ne suffisent  pas :  Bensalah a voulu faire du gros, il sort un film bizarre. Après un bon démarrage, ce film mal rythmé et mal écrit, qui a perdu toute la spontanéité qui faisait la réussite du « Ciel, les oiseaux… et ta mère ! », s’est vite effondré.

Le deuxième blockbuster à la française est, tout le monde le sait,  LE BOULET, une production Thomas Langmann (le fils de Claude Berri), vendu jusqu’à la nausée, et qui a réalisé un démarrage monstrueux dans les salles. Ressuscitant le genre inépuisable et épuisant du buddy-movie, « Le boulet » oppose Gérard Lanvin et Benoit Poelvoorde (tous deux en odeur de sainteté dans l’opinion publique en ce moment) dans une aventure loufoque. Très bien fagoté selon les critiques (je n’ai pas vu « Le Boulet »), bien casté (présence de José Garcia et de Jean Benguigui, « ça va chier… grave ! »), réalisé par Alain Berbérian (metteur en scène de « La cité de la peur, une comédie familiale » des Nuls) et Frédéric Forestier (pour les scènes plus techniques), « Le Boulet » n’a, selon tous les dires, rien à envier aux comédies-duos d’antan et aux grosses production d’action américaines. Mais remettons les choses à leur place : tout cela n’est pas si nouveau que cela, il suffit de se rappeler de « L’operation corned-beef », de Jean-Marie Poiré, avec Clavier et Réno.

Last but not least arrive dès ce mercredi dans les salles, une satire du monde du football, professionnel et public, et de tout ce qui tourne autour, réalisée par Fabien Onteniente (à qui l’on doit l’acerbe mais surévalué « Jet Set » avec déjà Samuel Le Bihan), à savoir  3 ZEROS. « Le meilleur de ces trois films » selon notre ami Laurent Ruquier, et la plupart des critiques (à la différence que « 3 Zéros » est une comédie pure, sans prétention d’action ou d’aventure, contrairement aux deux autres). On y retrouve Lorant Deutsch du « Raid » et Gérard Lanvin du « Boulet ». Va-t-on assister au « Belles à mourir » (sans la fraîcheur à la « Strip-tease ») du milieu footbalistique ?

Ceux qui préfèrent les bons, très bons dessins animés, ont le choix entre deux factures tout à fait différentes, et qui ont toutes deux cartonné dans leurs pays d’origine respectifs.

LE VOYAGE DE CHIHIRO , fable écologique, sincère, fantasmagorique et enfantine, est le nouveau chef-d’œuvre de Hayao Miyazaki, après « Mon voisin Totoro » (culte chez moi) et le surestimé « Princesse Mononoké ». Phénomène de société pour un dessin animé à l’intelligence aussi subtile que l’est sa plastique et sa technique. Rien à voir, pour ceux qui douteraient encore, avec les mangas japonais. Philosophique et poétique, « Le voyage de Chihiro », que je n’ai pas encore eu le temps de découvrir, est une ode à l’imagination.

Dans un tout autre registre, et tout aussi irréprochable, est  MONSTRES ET CIE , la nouvelle livraison des studios Pixar (chapeautés par Disney), après les 2 « Toy Story » et le brillant « 1001 pattes » (« A bug’s life »). Dessin animé réalisé en images de synthèse, c’est la réponse au brillant « Shrek » des studios Dreamworks. Les équipes de Pete Docter et John Lasseter nous offrent ici un film qui décline  l’identique schéma vu dans leurs précédents opus : une transposition acerbe du monde réel, de son capitalisme et des rapports sociaux, dans un univers présent et parallèle : après le monde des insectes de « 1001 pattes » et celui des jouets dans « Toy Story », on entre ici dans le quotidien des monstres cachés derrière la porte du placard et qui font peut la nuit, aux grands enfants que nous sommes. Ce ne sont en fait que des travailleurs voués à la rentabilité : faire peur au maximum d’enfants qu’il le peuvent. Ingéniosité technique et inventivité scénaristique caractérisent toujours les œuvres Pixar (l’œuvre de Pixar, on peut le dire), d’une intelligence constante. Si « Monstres et Cie » pèche un peu par le trop plein d’hystérie qui entoure nos deux héros principaux finalement pas très attachants, il n’en reste pas moins un des meilleurs films de ces dernières années. Et il ne faut surtout pas manquer le court-métrage Pixar diffusé avant « Monstres et Cie », intitulé « Drôles d’oiseau sur un câble électrique à haute tension », deux minutes absolument hilarantes qui valent à elle seule le prix de votre place.

Passons sur :

RESIDENT EVIL, production Samuel Hadida (le roi des séries B violentes adaptées de jeux vidéos) avec Milla Jovovich, complètement droguée chez Ardisson. Y’a du fric, mais pas de cinéma.

CROSSROADS, ou le film de petite ado par et pour Britney Spears avant qu’elle ne se métamorphose en salope icône gay. Plutôt drôle et sympathique, un road-movie vers l’âge adulte (ouarf !) qui met plutôt bien en scène celle qui, interrogée par Libération sur la peine de mort, répond : « Un criminel doit être puni à la hauteur de ses actes, comme ça il ne recommencera pas la prochaine fois ». Sic

LA VENGEANCE DE MONTE-CRISTO, de Kevin Reynolds (autrefois bon réalisateur et pacsé de Kévin Costner avec « Robin des Bois, Prince des Voleurs », puis discrédité par la frayeur « Waterworld »), a l’audace de mettre en scène un inconnu, Jim Caviezel, dans un rôle creusé jusqu’à l’os. Tant que le film n’égale pas la nullité du récent « D’Artagnan » de Peter Hyams (autre bon technicien tombé bien bas), on laisse le bénéfice du doute.

LA PROPHETIE DES OMBRES (« The Mothman Prophecies »), deuxième réalisation signée Mark Pellington (à qui l’on doit le bancal « Arlington Road », bien parti puis suicidé par sa deuxième heure grotesque), se la joue « X-Files » et M. Night Shyamalan (réalisateur de « Sixième Sens » et « Incassable »), mais avec un goût de bonne série B, et le handicap Richard Gere. Le film va faire un carton… mais dans les vidéos-clubs et à la télé. C’est déjà ça.

Seule production américaine donc à valoir vraiment quelque chose, UNE VIREE EN ENFER (« Joy Ride ») est une variation absolument terrifiante et sans surenchère sur le thème du « Duel », premier (télé)film de Steven Spielberg. Suite à une mauvaise plaisanterie effectuée avec C.B, trois jeunes se font poursuivre sur la route et dans leurs motels par un routier pas content. Tendu, nerveux, saisissant, bien mis en scène par John Dahl, dans une Amérique perdue, déserte, donc terrifiante, c’est un excellent exercice de style qui redonne ses lettres de noblesse, entre thriller, huis clos « on the road » et slasher movie. Quoique ces rapprochements soient bien réducteurs. Ayez confiance… Vous en sortirez complètement nerveux. (Et puis Paul Walker est si craquant…)

Revenons de ce côté ci de l’Atlantique maintenant avec le non-événement du moi, c’est-à-dire le retour savamment orchestré d’Isabelle Adjani dans  LA REPENTIE, véritable véhicule entièrement dévoué à « la star » (sic), déclaration d’amour à Madame (depuis son retour l’année dernière sur la scène du théâtre Marigny pour « La dame aux camélias », Studio, toujours aveuglément défenseurs du cinéma français, lui a consacré une interview-fleuve de 16 pages !!!) par Laetitia Masson, capable du meilleur (« A vendre », avec Sandrine Kiberlain) comme du pire (le trip incompréhensible qu’était « Love me » avec la même Kiberlain et Johnny Hallyday). Adjani y est omniprésente, et le film a énervé pas mal de monde dans un milieu parisianiste sans doute un peu irrité par la façon dont les producteurs, Michèle Halberstadt et Laurent Pétin, ont vendu le film (tout le milieu a reçu une cassette vidéo par personne - ! - contenant la bande-annonce du film, trois pauvres images agrémentés du bandeau « Elle revient »). Et le film, dans tout ça ? 

Pour ceux qui veulent voir du bon et du vrai cinéma, mieux vaut se diriger vers le Cluedo anglais mis en scène avec brio par Robert Altman qui, avec ce GOSFORD PARK, confirme tout le bien qu’on pense de celui dont le dernier « Dr T. et les femmes », l’a auto-discrédite, alors que ses deux précédents films, « Short Cuts » et même le passé inaperçu « Cookie’s fortune », étaient des chefs-d’œuvre. « Gosford Park » réalise un casting british hallucinant de pointures (les vingt meilleurs acteurs anglais du théâtre comme du cinéma), prêt pour une étude de mœurs fourmillante (et quel huis clos !) sur les rapports de classe dans l’Angleterre du milieu de ce siècle. Maîtrisé de bout en bout, effarant de détail et d’intelligence, on en sort lessivé et admiratif. Il y aurait un bouquin à écrire pour décrire l’excellence formelle et documentaire de « Gosford Park » (quelle utilisation du parallèle !), dont l’intrigue (au dénouement d’ailleurs effarant de force dramatique) est un gigantesque prétexte. Et tant mieux.

Beaucoup moins riche certes, mais étonnant de maîtrise et d’application,  A LA FOLIE… PAS DU TOUT, première et convaincante mise en scène de la jeune Laetitia Colombani, casse l’image d’Audrey Tautou pour un film unique (utilisant lui aussi le parallèle avec brio) et jouissif (quoique prévisible et trop binaire une fois l’astuce comprise), qu’il ne faut pas trop dévoiler. Il y a autant de thriller que de comédie dans cette production affûtée et futée de Charles Gassot. Aussi drôle que machiavélique et terrifiant.

A-t-on besoin d’évoquer la sortie du dernier Pedro Almodovar, consacré pape du cinéma espagnol (sic, pour la troisième fois) depuis le largement surestimé, qu’on se le dise, « Tout sur ma mère » (je vais me faire lyncher par ma communauté gay) ?  PARLE AVEC ELLE, que je n’ai pas vu, sera bien sûr d’une rare sensibilité,  mais je préfère définitivement le Almodovar de la Movida ou de «La loi du désir » (et ce n’est pas parce que Antonio Banderas, qui porte bien son nom –je sais, elle est facile- y joue un homo trop sexe).

Ah oui, et il y a NOUS ETIONS SOLDATS (« We were soldiers »), nouvelle salve patriotique de Randall Wallace (après « Braveheart », aaargghh !), avec Mel Gibson (ennemi majeur de toute subtilité, depuis « The Patriot », excellent manuel pour réaliser un film américain jusqu’à la nausée), qui contribue ici, après « La chute du faucon noir » et « En territoire ennemi », et en attendant « Hart’s War » (avec Bruce Willis) et « Windtalkers » (de John Woo, avec Nicolas cage), au devoir nationaliste obligatoire depuis le 11 Septembre. Pas vu, mais déjà vu.

Notre devoir national anti-nationaliste, à nous Français, depuis ce dimanche 21 Avril (et l’horrible mais nécessaire percée de Le Pen, par son futur effet cathartique), est d’aller voir FEROCE, salve anti-facho, documentaire caché sur Le Pen et son parti, en forme de descente aux enfers, réalisé par le documentariste Gilles de Maistre. Un peu (trop) didactique apparemment. Et tant mieux.

Notez la sortie du chaud documentaire ET SI ON PARLAIT D’AMOUR, de l’excellent confesseur public Daniel Karlin. Dévoilant la sexualité débridée de quelques Français libres et/ou échangistes, Karlin certes oublie l’homosexualité, mais ose filmer des sexagénaires en plein acte de fellation. Preuve qu’il n’est pas entièrement mauvais. Claude Sarraute doit se réjouir.

Sortie ce mercredi de PANIC ROOM, thriller/huis clos/exercice de style de David Fincher, érigé prodige depuis le très bon « Se7en » et l’encensé à tort « Fight Club ». L’occasion de revoir notre lesbienne secrète préférée Jodie Foster (qui avait refusé la Présidence à Cannes pour le tournage de ce film, qui marque son grand retour vers un blockbuster). L’amateur de country nord-américain que j’ose être s’attachera aussi à admirer la performance jugée brillante de Dwight Yoakam, star incontestée de la new-country aux Etats-Unis, et qui gagne ses galons d’acteur. Quant aux films, il est de l’avis général terrifiant.

Autre grande sortie de ce jour, le SHOWTIME, entre buddy-movie et satire de la real TV, avec Robert De Niro (définitivement vendu à la comédie grand public) et Eddie Murphy, mais aussi Rene Russo. On pense parfois à « L’arme fatale ». Le pitch du film (comme dirait Ardisson) est bien vu, mais apparemment ne tient pas sur toute la longueur. A voir.

Notez aussi SATIN ROUGE, de Raja Amari, plébiscité par la bonne critique. Un enivrant premier film franco-tunisien. Je vous en dirai plus la semaine prochaine.

Entre temps, bon courage, bon choix, et tenez-moi au courant, de vos accords et desaccords.

 

 

Semaines des 25 février et 5 mars 2002

 

LA CHUTE DU FAUCON NOIR
("Black Hawk Down")

De Ridley Scott

Le contexte circonstanciel de la sortie de ce film de guerre a incontestablement nui à l’objectivité de son appréciation par les critiques. Un des premiers d’une série de films de guerre patriotique (du récent « En territoire ennemi » au prochain Mel Gibson, par exemple, « We Were Soldiers ») à remporter un énorme succès, après le traumatisme du 11 septembre, « La chute du faucon noir » raconte en effet comment une poignée de jeunes soldats américains (casting de belles gueules brutes : le plaisir gay du film) inexpérimentés, poussés par des mauvais calculs de leur commandement, se sont retrouvés dans l’enfer de la poudrière somalienne, proies d’une population milicienne sans pitié. Comment une opération dangereuse s’est transformée en véritable chaos. Pourtant, ce dernier Ridley Scott (roi du box-office 2001, après « Gladiator » et « Hannibal », film grotesque qui se voulait raffiné) n’a rien d’une stupide tribune pro-américaine (même s’il est produit par Jerry Bruckheimer, simplificateur de l’Histoire, dont on reconnaît la pétarade et la transpiration, mais ici jamais surenchère ni lisse, encore moins macho).

« La chute du faucon noir » (jolie astuce de traduction, utilisant l’emblème américaine, englobant donc le symbolisme d’une nation tout entière, alors que le titre original, « Black Hawk Down », rappelle aussi le nom de ces hélicoptères, les « Black Hawk » qui tombent sur Mogadiscio les uns après les autres) est une reconstitution hyper-réaliste et juste d’un fait historique (minoré par les médias) terrifiant, dont la principale force réside justement, curieusement, dans son manichéisme. Animal : des agneaux envoyés en pâture à une meute de loup. Mais ce manichéisme là n’a rien d’idéologique, et ceci fait toute la différence : il n’est que d’action, de terrain, ce qui rend « La chute du faucon noir », film exhaustif et rigoureux, en temps réel,  d’autant plus palpitant. C’est grossièrement une sorte de « Full Metal Jacket » somalien, peut-être un peu lisse dans les portraits des américains mais sinon d’un réalisme physique effarant et cruel. Seule la dernière scène paraît un peu patriotique (où l’on met, pour la première fois en branle, la notion de « héros »). Techniquement : c’est irréprochable, d’une photographie optimale à des décors de documentaire (mais pù donc cela a-t-il été tourné , combien de figurants ont été embauchés ?), un hyper-réalisme exceptionnel, magnifié par une musique magistrale, dans la même veine que celle de « Gladiator », et des effets sonores grandioses et intelligents (ne pas décerner l’Oscar du son ou des effets sonores serait une incroyable injustice). Chapeau bas donc à Ridley Scott, qui, s’il ne filme pas une grande réflexion sur la guerre (du type « Apocalypse Now » de Francis Ford Coppola ou « La ligne rouge » de Terrence Malick), nous offre un film utile et un grand moment de cinéma, 2h30 de maestria.

 

UN MOMENT DE BONHEUR

D’Antoine Santana

Un premier film court, sincère et touchant, sur une histoire simple (au suspense un peu cynique qui passe plutôt bien, volonté du réalisateur novice de lui donner un peu de cachet), parfois pathétique (une vision de la relation fille enceinte / père simpliste dans son négativisme caricatural), mais aussi belle et parfois drôle. Les quelques maladresses d’un premier film en donnent toute l’authenticité (la première scène, où l’on voit une Isild Le Besco crier d’inquiétude, seule sur une plage d’Arcachon, peut prêter à sourire ;  ou encore le gros plan à la « Microcosmos » d’un baiser baveux, suivi d’un tour de manège classique effectué par la caméra autour des deux amants, un peu trop rapide pour passer inaperçu). Isild Le Besco excelle dans ce « rôle » (à la voir dans tous ses films et chez Ardisson, elle est braiment comme ça, elle a un caractère propre à elle) d’adolescente nature, candide trop tôt précipité dans l’âge adulte (elle avait déjà tourné un épisode de la collection Carnets d’Ados pour M6, où on l’avait découvert en ado enceinte d’un petit copain, Cyrille Thouvenin en l’occurrence, qui reniait sa paternité) ; son camarade Malik Zidi (égérie de François Ozon dans « Gouttes d’eau sur pierres brûlantes ») joue avec retenue et tâches de rousseur (ce garçon est magnifique) un personnage parallèle (un peu dépassé par les évènements, d’où son silence détaché). « Un moment de bonheur » a en plus le mérite de filmer avec réussite le bassin d’Arcachon (si propre à Ozon). Vraiment, un film réussi, souvent instinctif, sans (trop d’) effets gratuits. De l’air frais…

 

TERRE-NEUVE
("The Shipping News")

De Lasse Hallström

Quand j’écrivais, il y a quelques semaines, que deux mélodrames, sortis à 7 jours d’intervalle, ayant pour thème un certain retour aux sources pour chercher un sens à sa vie pouvaient être comparés, à savoir « La maison sur l’océan » (« Life as a House ») et ce « Terre-Neuve », je ne croyais pas si bien dire. Car il s’avère que ce « Terre-Neuve » est justement produit par Irwin Winkler, le réalisateur de « La maison sur l’océan » ! Et il s’avère, grossièrement, que c’est une version, certes moins lisse et plus artistique, en tout cas bien plus ventée et pluvieuse, de « La maison sur l’océan ». Comme ce dernier, « Terre-Neuve » raconte l’histoire d’un être, meurtri par sa vie, qui décide de retourner vers ses sources (dans « La maison sur l’océan », il s’agit d’accomplir une tâche avec les siens) pour repartir vers une nouvelle vie. Cependant, les traitements des deux films sont radicalement différents. Je vous laisse le soin de revenir à ma chronique concernant « La maison sur l’océan ». Voici ce que l’on peut dire sur « Terre-Neuve », film assez difficile et plutôt inattendu.

Car on est plutôt surpris de la façon dont Lasse Hallström, spécialiste des adaptations hyper-académiques (et donc toujours agréables) et réductrices (mais pas bêtes ni manichéennes, n’allons pas jusque là) à la « Oprah Wimphrey presents » de romans complexes et reconnus (ses précédents films, formatés par Miramax, étant notamment « L’œuvre de Dieu, la part du Diable », i.e « The Cider House Rules », et « Le Chocolat », et « Terre-Neuve » est l’adaptation d’un prix Pulitzer), traite ce canevas. Huis-clos inquiétant, isolé et hors du temps, l’île de Terre-Neuve est filmé avec inventivité et une forte pluviosité violente par le réalisateur, et donne une indéniable dimension fantastique, presque éprouvante, au film éponyme. Le scénario n’a rien d’un enchaînement de poncifs, ne s’avère jamais facile ni hollywoodien, il n’illustre en tout cas jamais en des scènes obligées un canevas qui reste bien évidemment classique. Prenons par exemple le personnage tout à fait curieux interprété par Judi Dench (grande dame anglaise à qui on a arraché le sourire), très lesbienne dans le film ; silencieux, plein de lourds secrets (et la grande faiblesse de « terre-Neuve » est justement cette volonté d’enchaîner, l’air de rien, les déterrements des horreurs du passé, mais heureusement que ce ne soit jamais fait de façon pompière), parfois subversif, il n’emporte jamais la sympathie du spectateur, là où dans un film plus lisse, on aurait eu droit à une grand-mère souriante qui aurait juste craqué à un moment, histoire de libérer son histoire. Même si Kevin Spacey et Julianne Moore, respectivement candide et d’une fraîche beauté, se rapprochent de façon évidente, « Terre-Neuve » n’est jamais attirant, presque antipathique, écrit de façon anti-commerciale (c’est à dire sans aucun effet de soulignage), où la musique n’a rien d’un John Williams, mais alors rien du tout. C’est peut-être grâce à ce choix (on pense parfois à l’imagerie de « La veuve de St-Pierre ») qu’il en devient quasiment un bon film. En tout cas on ne peut que se réjouir de voir Lasse Hallström s’écarter ne serait-ce que d’un pas d’un académisme certes rassurant mais qui commençait à lui être dégradant. On lui pardonnera même la réplique finale, d’une évidence creuse, quoique bonne conclusion digne de ses précédents opus : « Si un noyé peut se réveiller, un homme brisé peut réparer sa vie ». Ce mot final était inévitable. Qu’auraient-ils pu trouver d’autre ?

 

L’AMOUR EXTRA-LARGE
("Shallow Hal")

De Bobby & Peter Farrelly

Ce dernier affront des frères Farrelly (« auteurs » des débiles mais drôles «Dumb & Dumber », « Mary à tout prix », « Fous d’Irène » et des lamentables et cardes séquences réelles du récent « Osmosis Jones ») est de loin le plus intéressant (d’un point de vue sociologique, si si) et dérangeant. Le principe de cette « comédie romantique » (car c’en est une) est aussi odieux que prometteur : un gros porc obsédé par les tailles mannequins, hypnotisé par un gourou, tombe amoureux d’une baleine obèse qu’il voit maintenant comme la silhouette de Karen Mulder. Mieux vaut vous prévenir : le film n’est que très peu une usine à gags (où les victimes sont les gros ou les handicapés) , et l’on rit peu devant « L’amour extra-large ». Car le peu de gags, drôles certes, sont franchement cruels (mais il n’y aucune volonté méchante, les frères Farrelly ne font que montrer des réactions de  connards de tous les jours), mais surtout d’une remarquable acuité. Et « L’amour extra-large » vaut surtout par sa justesse qui nous amène bien dans notre caca.

Il suffit de s’intéresser à la scène d’introduction, si vraie, sur l’homogénéisation sociale de l’amour. Les beaux avec les belles, les moches avec les moches. C’est édifiant. Notre gros porc se colle aux plus belles nanas qui le repoussent bien évidemment. Il ne peut que finir tout seul, exclu par sa laideur physique. Vous me répondrez : j’enfonce une porte ouverte. Certes. La boite de nuit (et c’en est particulièrement valable chez nous, les gays) est ici montrée, avec un rire jaune, comme une formidable violence ségrégationniste par le physique. Quelques scènes plus tard : hypnotisé par le gourou, notre anti-héros danse, s’amuse, avec trois filles d’une laideur physique repoussante : une sorcière édentée, une obèse… lui qui était d’un machisme effroyable ! Pourtant, il est sans dote celui qui s’amuse le plus dans la discothèque. Mais là où le scénario est beaucoup plus profond, c’est que Hal les voit comme de superbes filles. Il en sera de même avec son futur amour, cette grosse fille pleine de cœur mais obèse, qu’il perçoit comme un mannequin, jusqu’à ce que le charme aveuglant se rompe.

Certes, « L’amour extra-large » est vendu comme une comédie. Les féministes et obèses pourront se révolter contre certains gags du film (la salle aura toujours des réactions de dégoût à la vision d’une Gwyneth Paltrow obésifiée). Pourtant, les frères Farrelly semblent avoir retourné la direction de leur mauvais goût, vers un message plus positif. Comme prévoyants, ils tombent même parfois dans un certain sentimentalisme guimauvien (la scène, très belle cela dit, où Hal retrouve ses esprits et se rend compte qu’il avait embrassé sur la joue, quelques jours auparavant, une petite fille grand brûlé). Mais l’ensemble est sincère et touchant (les passages où Gwyneth Paltrow, enfin montrée comme obèse, est seule et en larmes, se découvrant trahie par Hal).

Fable combattant le raisonnement sur l’apparence, et sur le respect et la tolérance des différences physiques chez les amours, « L’amour extra-large », film cruel (mais pour qui, finalement ?) est une réussite inattendue, parfois dérangeante, assez drôle (on a même honte de rire à certains gags), extrêmement utile. Mais les frères Farrelly ne versent pas que dans le moralisme, rassurez-vous. Les spectateurs qui aimeront le trash seront servis (vous verrez la salle pousser un cri de dégoût quand deux obèses d’embrassent) : astuce commerciale, oui, mais ces spectateurs là (symbolisés par le personnage qu’interprète Jason Alexander, le « shallow » Maurizio, qui ne comprend comment pas son meilleur ami, alter ego, sorte avec une obèse et soit heureux, et qui va chercher à le remettre dans le droit chemin, c’est-à-dire à le rendre dégoûté de sa baleine de compagne) sont bien ceux visés par le film (et d’une certaine façon, avec « L’amour extra-large », les frères Farrelly signent une non hypocrite rédemption, quoique l’adjectif hypocrite s’adresserait plus à la Fox qui a bien vendu le film comme une nouvelle comédie dégueulasse des frères Farrelly)

On pourra féliciter les acteurs (les filles laides ou obèses, les handicapés), courageux et intelligents, qui osent prêter leur corps pour les moqueries et l’effet repoussant que les frères Farrelly vont leur destiner. Pour la bonne cause, et avec « un corps gros comme ça » (pour reprendre le jeu de mots de Frodon dans Le  Monde).

« L’amour extra-large », un film majeur, beaucoup plus riche et intelligent qu’il n’y paraît. Une véritable étude sociologique sur les rapport sociaux, un véritable rapport psychologique sur la perception de l’apparence.

(Notez aussi, en annexe, l’exceptionnelle qualité de la bande-son, alternant titres new-rock, new-country et pop’n’blues,  américains, d’un rare à-propos dans le film, et très plaisants à écouter.)

(Je vous conseille l’excellente critique de Jean-Michel Frodon, dans Le Monde, qui explique bien le malaise que créent, avec ce film, et aussi grâce à leur mise en scène mettant toutes les scènes à égalité, les frères Farrelly.)

 

ATANARJUAT, LA LEGENDE DE L’HOMME RAPIDE

De Zacharias Kunuk

Cet OVNI très proche du documentaire vaut donc surtout par son caractère exceptionnel, et à double titre. Car « Atanarjuat » (derrière son titre américain trompeur, « Fast Runner ») est le premier film inuit de l’histoire du cinéma (boulevard aux critiques encenseurs sus le titre « De l’inuit inouï »), et également le lauréat de la Caméra d’Or (récompensant le meilleur premier film) au dernier Festival de Cannes. C’est assez compréhensible : expérience cinématographique, «Atanarjuat », tourné au caméscope avec une virtuosité technique et un sens de la mise en scène inattendus, ne ressemble à rien que l’on ait pu voir jusqu’à présent. Passez outre les 2h52 que dure la projection, pour vous intéresser au mélange de genres (dans un décor unique aussi terrifiant que beau et à point, à savoir un désert de glace dans l’arctique) qui fait sa force qualitative (malgré quelques longueurs évitables). L’intrigue mêle le conte inuit (avec saveurs chamanistes) au pur western (Atanarjuat étant poursuivi par des hommes qui en veulent à sa peau), dans une enveloppe proche du documentaire ethnologique qui s’autorise quelques soupçons de romantisme, de comédie mais aussi de fantastique et trahison sociale (si vous ne me tenez pas rigueur de cette expression qui n’est pas un genre cinématographique, en soi, mais je n’ai rien trouvé de mieux, pardonnez-moi). Certains parlerons même d’une force shakespearienne (admettons), version « gelé ». Si l’on veut… Les acteurs, qui n’en sont pas vraiment, semblent aussi fascinés que nous (dommage qu’ils se ressemblent tous). De toute façon, un film qui fait passer l’immensité glaciaire pour un huis clos sanglant ne peut être que virtuose.

 

LUNDI  MATIN

De Otar Iosseliani

Un ouvrier qui vit une existence paisible et monotone dans une campagne anachronique (on regrettera franchement que Iosseliani ait choisi de montrer une campagne ringarde, presque moyenâgeuse, - même si l’image d’un rural paisible, humain, réglé comme une horloge, mais positif et heureux, soit aussi vrai qu’amusant et jamais dévalorisant- ), ne s’évadant que par la peinture et la rêvasserie (on parle extrêmement peu dans « lundi matin », on montre astucieusement des va-et-vient, parfois péjoratifs, comme à l’usine, parfois non, comme à la vie villageoise, ou comme à Venise, bien évidemment), décide de tout lâcher et de passer quelque temps à Venise, pour un voyage déambulatoire, au gré des envies et des sensations, presque épicurien (mais n’y voyez ni bacchanales ni débauche sexuelle), à Venise. Il va chercher le bonheur qu’il va momentanément trouver, avant de se rendre compte que les vénitiens (du moins ceux avec qui il se lie d’amitié) mènent une vie aussi immobile que lui. Magnifique synopsis, tourné avec cohérence (réalisation et mouvements de caméra lisses pour une errance), au risque de paraître comme une bohême parfois ennuyeuse. Mais anti-touristique. Blues de la cinquantaine, mélancolie, décadence, bizarrerie, nonchalance. Une curiosité qui fait du bien. Quoique le final soit assez cynique. Mais matériellement (socialement) préférable.

 

RUE DES PLAISIRS

Depuis quatre ans, Patrice Leconte se plante une fois sur deux en général. Il y a eu « La fille sur le pont » (Vanessa Paradis & Daniel Auteuil) mais aussi hélas « Une chance sur deux » (Vanessa Paradis, Alain Delon, Jean-Paul Belmondo). Il y aura « L’homme du train » (Johnny Hallyday) qui s’annonce très bon, comme il y a eu « La Veuve de St-Pierre » (avec Juliette Binoche et Daniel Auteuil) mais il y a eu « Félix et Lola », bide critique et commercial passé complètement inaperçu l’année dernière (malgré Charlotte Gainsbourg et Philippe Torreton). Et il y a ce « Rue des plaisirs » (le couple, cette fois, est Laetitia Casta, son deuxième rôle depuis le téléfilm « La bicyclette bleue », et Patrick timsit, qui ne change pas de registre, i.e de posture physique, depuis « Quasimodo Del Paris »), dont l’accueil moyen va sans doute le laisser reléguer comme seulement le film qui aura permis à Laetitia Casta de passer chez Michel Drucker. Une histoire d’amour entre une pute et un gamin devenu grand, un esthétisme travaillé…

« Rue des plaisirs » n’est pas si raté. Il y a de très bonnes idées (la narration par les prostituées, moyen un peu désuet), hélas prolongées par maladresse (le procédé devient un peu répétitif). Le bordel est très bien recréé.

Le plus étonnant (et le meilleur du film) s’avère le non happy-end (pourtant logique) final, bien caché par un prologue superbe (digne d’une partie de campagne de renoir, avec aussi l’eau de la rivière filmée comme un tableau de Manet). Les dernières images sont d’une beauté digne d’une tragédie grecque. Dommage qu’entre ce prologue et cet épilogue brillants, on ne touche jamais la grâce, bien que rapide et sans chichi, mais sans surprise  tournant un peu en rond.

Timsit et Casta sont un peu fades.

 

LA MAISON SUR L’OCEAN
("Life As A House")

De Irwin Winkler

Un mélodrame à l’apparence simpliste, car utilisant le moyen d’un pathos doublé (le père cancéreux, le fils marginal, Marylin Manson, suicidaire, rebelle, drogué, donc prostitué pédé) d’un symbolisme grandiloquent (cf. le titre) et souvent prétentieux. Certes il y a quelques facilités, quelques maladresses aussi, quelques directions un peu gratuites (les quelque secrets « trashs » des voisins, par exemple, qui ne collent pas très bien à l’émotion générale du film) ; mais « La maison sur l’océan » est très touchant, souvent très juste (grandioses dialogues entre père et fils, de bout en bout, bien plus profonds qu’en apparence),  et l’émotion augmente plus le film avance (et ce n’est pas qu’à cause de l’inéluctable chute finale, loin de là.) Cela grâce à l’interprétation exceptionnelle de Hayden Christensen, d’une rare beauté et au jeu vraiment grave et profond, sur un personnage pas facile d’adolescent shooté, perdu, prostitué, qui ne connaît pas les termes « sens d’une vie » et « accomplissement d’une vie ». Jena Malone fait preuve d’un abattage étonnant. Kristin Scott Thomas est plus prévisible. Les quelque gros sabots de la structure générale sont de plus vite effacés par le superbe des images (parfois vertigineuses) et de la photographie. Peu nouveau certes, mais très fort.

(Dans le même genre, mais en plus adulte et brumeux, voir « Terre-Neuve » i.e « The Shipping News » de l’académique Lasse Hallström)

Notez que Christensen, ici corbeau magnifique, très désirable nu, a été choisi pour être le blond Anakin Skywalker dans Star Wars Episode 2.

 

 

Semaines des 11 et 18 février 2002 (rattrapage des vacances)

 

A défaut d’avoir passé mes vacances dans les salles de cinéma (je n’ai vu  « que » 2 films), voici un récapitulatif des dernières sorties.

 
JIMMY NEUTRON, UN GARCON GENIAL
("Jimmy Neutron : Boy Genius")

Dessin animé de John A. Davis qui s’avère un bon compromis entre les dessins animés TV modernes de la boite de prod américaine Nickelodeon (type « Les Razmoket ») et du foutoir de synthèse que sont les chefs-d’œuvre de Pixar (« Toy Story 1 & 2 », « 1001 pattes » et le prochain « Monstres & Cie »). Avec la qualité plastique largement moindre certes, un scénario pour petits certes, mais quelques gags assez bien vus. Arrêtons-nous là, vu que de toute façon aucun d’entre vous ne s’y risquera. Et pourtant le film a fait 80 millions de $ de recettes sur le marché nord-américain.

 

UN AMOUR A NEW YORK
("Serendipity")

Peter Chelsom a auparavant signé un petit film fin sur la tolérance et le rêve enfantin (« Les puissants », avec Sharon Stone et Gillian Anderson, méconnaissables, et Kieran Culkin, le frère de Macaulay), mais aussi un vaudeville d’une nullité hallucinante, la pire daube de l’année dernière, mais son casting de premier plan, à savoir « Potins mondains & amnésies partielles » [voir mon Top 2001]. Il ne prend pas de risque avec cette commande appliquée et convaincante, une histoire d’amour new-yorkaise (CQFD) sur fond de destinée et de hasard. C’est lisse et linéaire, mais les deux tourtereaux sont assez plastiques (Kate Beckinsale, lumineuse, et John Cusack, touchant dans son entêtement) et certains seconds rôles assez amusants pour nous laisser prendre à leur jeu cousu d’avance. Un film aussi peu inventif qu’incroyablement rassurant (ah… l’amour).

 

OCEAN’S ELEVEN

On en a suffisamment parlé (il faut avoir vu Mezrahi interviewer George Clooney, Brad Pitt, Andy Garcia et Matt Damon pour « On a tout essayé » de Ruquier, Ardisson & Barma) pour que j’ai eu l’impression d’avoir déjà vu le film en le regardant. Casting de rêve à l’écran (ajouter à la liste précédemment citée Julia Roberts et des premiers ET troisièmes rôles tous connus, voir la première scène de poker où l’on retrouve tous les jeunes espoirs des séries TV des networks américaines), derrière la caméra (Steven Soderbergh, de « Traffic », de « Erin Brockovich », certes, mais aussi de « Sexe, Mensonges et vidéo » et « Schizopolis »), et classe pimpante du décor de Las Vegas et de ses casinos (également très bien filmés dans la série « les Experts » [CSI : Crime Scene Investigation, de CBS] hélas diffusée dans un désordre abscons par TF1) pour une mécanique bien huilée et à mise en abyme (la formation de l’équipe est aussi celle du casting). Il y aurait beaucoup à dire et à analyser sur ce remake de « l’inconnu de Las Vegas » de Lewis Milestone avec le Rat Pack, mais là n’est pas le propos de cette page : allez-y, et délectez-vous.

 

MISCHKA

De et avec Jean-François Stévenin : très bien accueilli par la presse française, un road-movie familial qui s’annonce aussi attachant que presque incompréhensible. En tout cas atypique. C’est une bonne raison d’aller voir ce que ça donne. En général, on est toujours agréablement surpris.

   

GANGSTERS

d’Olivier Marchal

Richard Anconina et Anne Parillaud en flics désabusés dans un polar ultra-réaliste, noir, violent et viscéral, réalisé par l’ex-flic olivier Marchal… c’est un peu facile et déjà-vu comme premier long, pour un mec qui a fait 12 épisodes brillantissimes d’une série policière identique et sans concession, « police District », série française de M6 (oui vous avez bien entendu) également considérée par Martin Wickler comme n’yant rien à envier aux modèles américains que sont les séries « Oz » (HBO), « Law & Order » (de NBC, « New York District » en français, diffusé en bouche-trou par France 3, 11 saisons incroyables), « Homicide : Life on the Street » (NBC) ou « NYPD Blue » (ABC).

 

Semaine du 4 février 2002

 

UN HOMME D’EXCEPTION
(
"A Beautiful Mind")

de Ron Howard

De l’hebdomadaire américain Entertainment Weekly au mensuel français Studio Magazine, on parle de ce portrait biographique du mathématicien John Nash comme d’un film potentiellement oscarisable cette année. Il est certain que ce bel hommage est construit suivant la définition même du « film à Oscars » : c’est l’histoire poignante d’un « homme d’exception », comme le suggère le titre, de son génie, suivie de sa déchéance mentale progressive, mais qui sera sauvée par l’humilité, la force de caractère, l’amour. On y décrit donc, dans la veine toujours efficace de « Rain Man » ou de « Forrest Gump », la simplicité d’un destin, avec scènes lourdes de symbole (la remise des stylos, le Nobel final…), performances d’acteurs (Russell Crowe, déjà Oscarisé l’année dernière pour « Gladiator », émouvant ; Jennifer Connelly, touchante accompagnatrice et femme impuissante et dévouée) qu’on n’hésite pas à vieillir (c’est toujours considéré comme prestigieux et courageux), différentes époques, une durée conséquente (2h15)…, et ce de la part d’un réalisateur typiquement hollywoodien polyvalent toujours efficace quel que soit le genre auquel il s’attèle (en l’occurrence Ron Howard, de « Splash » à « La Rançon », en passant par le carton commercial indigeste que fur « Le Grinch » l’année dernière). Et en plus c’est produit par Brian Grazer (associé à Howard pour Imagine Entertainment), Dreamworks Pictures et Universal Pictures. Tous les éléments pour de multiples récompenses sont réunis là. Seulement voilà, replaçons les choses à leur place : « Un homme d’exception » est un film humble et touchant, un bel exercice de style certes, mais ce n’est pas un grand film (comme « Forrest Gump »). Plutôt platement réalisé (Ron Howard n’est pas robert zemeckis), on nous propose ici quelque chose d’un peu trop lisse et linéaire (voire d’un peu ennuyeux), qui manque autant de charge émotionnelle que de réelle signifiance ou profondeur. Crowe est remarquable, mais son rôle n’a rien de nouveau ; de même pour Jennifer Connelly (qui a quelques côtés Téa Léoni, dont le personnage n’a rien d’un véritable défi). Sans pourtant parler d’une hagiographie emplie de pitié de Nash, « Un homme d’exception » ne se résout qu’à une illustration simplifiée d’une vie brisée, à la « Shine ». Ce type de films est toujours une valeur sure, à défaut de grande audace ou originalité. Académique donc (mais les Oscars ne sont-ils justement pas les Academy Awards, et qui plus est de la commission Arts and… Science ?).

 

8 FEMMES

de François Ozon

Deuxième film à gros casting (français ici) à sortir cette semaine (avec « Ocean’s Eleven » de Steven Soderbergh, tout aussi plébiscité par la critique), ce nouvel et prestigieux opus d’Ozon ne s’éloigne pas pour autant (contrairement à « Sous le sable ») de la dominante homosexuelle de la filmographie de notre visage d’ange gay préféré. Derrière ce «Cluedo » féminin et théâtral, de nombreux indices : interstices musicaux très « petite fille », chansons innocentes, chorégraphies gamines et maniérées (le chorégraphe Sébastien Charles, déjà présent en slip moulant, dansant très féminimement sur le « Bang Bang » de Sheila dans le court-métrage d’Ozon « Une robe d’été »), costumes des femmes magnifiques, intérieur cosy et anglais, maison isolée (comme dans « Sous le sable »), un certain goût pour la gradation perverse (un événement faisait déjà imploser et dire des vérités dans une famille dans « Sitcom »), exagérations lesbiennes (le baiser d’Ardant et Deneuve, logique - 2 femme blessées par le même homme - mais gratuit et provocateur)… Mais passée cette constance homosexuelle de l’œuvre d’Ozon (oui, on peut parler d’une œuvre, foncièrement bonne, à l’excepté du prétentieux et lamentable « Les Amants Criminels »), jamais les femmes n’auront été aussi bien filmées au cinéma. Toutes magnifiques, Béart sé dévoilant très vamp aux trois quarts du film (sublime lâcher de cheveux), Deneuve, LA Deneuve, Ardant égale à elle même. Dernièrement, « Mulholland Drive » avait réussi ça également.

La principale réussite du film réside sans doute dans la personnalisation de chaque personnage, déjà annoncée par une bande-annonce tout aussi brillante : du travail sur les costumes : personnalisant, mettant en valeur chaque portrait (voir ici les excellents papiers de L’Express, de Studio et des Inrocks) aux fleurs du générique, tout cela est aussi magnifique que malin.

Plus généralement, Ozon réussit à créer une ambiance désuète et dépassée, finalement très chic, jamais ridicule, dans un luxueux glamour et une Esthétique magnifique : du goût, c’est tout.

Plus trivialement, Ozon ne s’est pas foulé quant à l’intrigue: l’excellence progressive des dialogues (au début, les dialogues purement factuels sont assez lourds) bien de la pièce de théâtre, mais il la ponctue (par l’image, la réalisation et des répliques additionnels) avec de nombreuses références complémentaires à Cukor, Douglas Sirk, Minnelli, et j’en passe… et généralement, l’ensemble du film est drôle et pourtant parfois complètement immoral tout en étant furieusement émouvant : trois sentiments en même temps : un exploit.

On retiendra aussi le potentiel comique d’Isabelle Huppert, inattendu ; le burlesque aussi des scènes avec Darrieux, l’utilisation propre à Ozon des karaokés comédies musicales comme dans "Gouttes d’Eau"... (d’ailleurs, seuls ces numéros musicaux sont un peu kitschs)

« 8 femmes », film inédit, décors, lumières, costumes, mise en scène : excellente, très intelligente, posée et réfléchie ; reste très cohérent avec filmographie d’Ozon (la bombe commerciale qu’est le film est tout à fait autre chose).

Hommage à La femme (déjà magnifique dans sous le sable), Hommage aux femmes (des femmes de cinéma), « 8 femmes » est percutant, trash, choquant, mais si classe, et si fort, si artistique, si 7ème art.

 

 

Semaine du 30 janvier 2002

 

ASTERIX ET OBELIX : MISSION CLEOPATRE

d’Alain Chabat

Cette production pharaonique, deuxième adaptation live des aventures d’Astérix après le succès commercial mais ratage qualitatif de Claude Zidi et son « Astérix et Obélix contre César », est l’apogée même du triomphe de l’humour des Nuls et d’Alain Chabat, en parallèle avec la réussite de son jeu « Burger Quiz » sur Canal +.

Effaçant un Christian Clavier (qui semble constamment faire la gueule) énervant dans le premier, ainsi qu’un Gérard Depardieu en sourdine, le casting, truffé de caméos, est largement porté sur l’humour Canal+/Comédie, avec les Robins des Bois, Jamel Debbouze (omniprésent dans le film, mieux vaut donc l’apprécier), Isabelle Nanty (Itinéris, le meilleur gag du film) et  Edouard Baer. C’est leur humour, absurde et décalé, truffé de références sous-culturelles, jeunes et anachroniques, un joyeux bordel quoi ! C’est drôle et absurde, mais un peu fatiguant à la longue. D’autant plus que le film souffre d’un rythme bizarre, et d’une trame connue de tous. Et finalement, « Jamel : Mission : niquer Astérix » ne possède pas énormément de gags hilarants. « La cité de la peur : une comédie familiale », des Nuls, était bien supérieur. Et si l’on aime « Burger Quiz », il faut aussi apprécier l’humour Comédie et les jeûnots embauchés par effet de mode et surtout de gueule.

Le  même effet qui légitime la multiplicité impressionnante d’apparitions amicales (Chabat a fait venir au Maroc tout le monde qu’il a bien pu connaître). Chantal Lauby (gag raté), Jean Benguigui (idem), Claude Berri, Dominique Besnehard, Emma De Caunes, Gérard Darmon (très bon de le rôle majeur d’Amonbofis), Mouss Diouf, Bernard Farcy (de « Taxi » au pirate malchanceux), Matthieu Kassovitz, Pierre Tchernia, Dieudonné (égal à lui-même)… j’en passe et des pas meilleurs. On s’amuse à les repérer tous, d’autant plus qu’on se contre-fiche de l’histoire. Mais quand on entend en générique de fin un rap de Joey Starr, Snoop Doggy Dog et Jamel, on se dit que quand même, c’est bien du n’importe quoi.

Alors certes l’on sourit beaucoup, mais on s’éloigne un peu d’Astérix (qui n’est qu’un prétexte à une bonne déconnade d’Alain Chabat), et quoiqu’on dise, jamais rien n’égalera l’excellence du dessin animé « Astérix et Cléopâtre », hilarant et beaucoup plus drôle (mais ce n’est pas le même humour), même après 30 visions. Ni rien n’égalera, dans une veine plus proche que ce carton programmé, « La cité de la peur », le jeu « Burger Quiz » ou les films des ZAZ.

 

FROM HELL

de Allen & Albert Hugues

Il y a un travail d’esthétique et de reconstitution exceptionnel dans cette nouvelle enquête de Sherlock Depp (après « La neuvième porte » et « Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête ») : photographies de bas-fonds londoniens fin XIXème, flashs et meurtres glauques, feutrements de cercles secrets ou de l’aristocratie anglaise… Tim Burton n’aurait pas fait mieux (quoique plus poétique et onirique) que les frères Hugues dans cette enquête sale et sanguinolente concernant Jack l’Eventreur, au scénario finalement assez linéaire voire ennuyeux.  Mais la performance de Ian Holm, en Jack l’Eventreur donc (ne vous renseignez pas sur Ian Holm, car je livre là la clef de ce film), est phénoménale et vaut à elle seule le détour vers ce beau et impressionnant travail artisanal, crasseux et morbide.

Comme l’écrit judicieusement Le Monde, on pense parfois à une production de la Hammer ; ou au récent « Vidocq » sans la prétention moderniste mêlée de n’importe quoi.

 

DONNIE DARKO

de Richard Kelly  

Dans la filiation de Lynch (de l’ambiance aux sauts temporels, de la psychologie torturée d’un personnage principal en proie aux hallucinations), un premier film original et curieux, impossible à résumer ni décrire, disons : sur un adolescent qui par l’intermédiaire d’un méchant lapin américain, ne grandit pas comme les autres, c’est-à-dire en voyant son univers proche (sa famille, l’école, l’Education, l’Amérique, le « positive thinking »…), avec une certaine lucidité cynique.   La reconstitution de l’ambiance des 80’s parfaite (car on peut parler de l’ambiance des années 80), dont des musiques un peu oubliées qu’on adore ré-entendre (les Tears for Fears sont incontestablement le meilleur groupe des années 80), et aussi un certain mode de coiffure féminine (cf la mère de Donnie ou la bonne femme ultra-vertueuse du lycée).  

On peut aussi parler d’une véritable virtuosité quand Richard Kelly (27 ans !) filme l’intérieur du lycée, s’arrêtant sur quelques visages emblématiques : tout est dit. Le film est troublant et jubilatoire, parfois absurde mais pas vraiment (c’est si vrai). « Donnie Darko » prend parfois des allures d’un discours type « ado contestataire qui a raison quand il critique le monde adulte » (cf la séquence de la ligne de vie, dont les deux extrémités sont la peur et l’amour, symbole de ces méthodes télé couillon évangélistes qu’on a voulu faire entrer dans l’école par des petits exercices débiles, mais aussi plus généralement du manichéisme ou du dualisme de la pensée américaine d’éducation civique, d’une Education aliénante en général). Mais il ne se limite pas à ça, loin de là.  

« Donnie Darko » est un film unique et mélange avec habileté différents genres. Sa bande-son est sourde et presque omniprésente, fantastique.  De la comparaison du décor et du ton du film (toujours la banlieue pavillonnaire américaine lisse et richarde), on peut même penser à « American Beauty », mais en moins cinglant et en plus weird, comme on dirait là-bas. Et aussi (nouvelle donne), le film ne se résout jamais à n’être qu’une succession à la teen-horror-movie d’horreurs que Darko, commandé par son lapin imaginaire, aurait potentiellement fait. Sans oublier ce que l’on a dit précédemment, c’est-à-dire les aspects d’une chronique d’un ado réfléchi en Amérique.

Très beau personnage de cette chinoise obèse intériorisée, et aussi de la prof de littérature (la seule qui fait apprendre à réfléchir, contrairement à l’entêtement aveugle des autres ; quoique la mère de Donnie est plus complexe que ça…), interprétée avec force dans le regard par Drew Barrymore (il est d’ailleurs curieux de noter que c’est la seule qui ait voulu produire ce film, la seule intelligente aussi…. De tous les producteurs d ‘Hollywood ?!). Noter aussi le beau mystère qui est justement le personnage à la signifiance s’avérant majeure de mamie-Mort.  

On ne peut qu’être étonné du certain pessimisme (d’un nihilisme ?) de la part d’un jeune réalisateur élevé dans civilisation marchande et héros de BD (et le nom du héros fait penser à un super-héros… ce qui n’est pas faux, somme toute, tant il a d’autres activités la nuit, et tant il apparaît comme le seul vrai sage du film… et un héros meurt tojours, n’est-ce pas ?). Et la musique et œuvres citées, derrière l’hommage à l’époque, ont une grande signification (« The Destructors » de Graham Greene, « Mad World » des Tears For Fears).

Jake Gyllenhaal, dans le rôle titre, est littéralement habité (et très crédible en ado toujours mal réveillé -et pourtant c’est bien le seul à l’être réveillé, dans cette société-)   Kelly est donc à placer entre Alan Ball & Sam Mendes, le Paul Thomas Anderson de « Magnolia », Todd Solondz et Lynch, bien évidemment.

 

EN TERRITOIRE ENNEMI
(" Behind Enemy Lines ")

de John Moore

Si l’on excepte son scénario inévitablement manichéen (les serbes méchants poursuivent un américain gentil tombé sur leur territoire), mais CQFD (ne pas oublier que le principe du film est une chasse à l’homme), ce film violent et terrifiant, aux extérieurs hyper-réalistes (la guerre en ex-Yougoslavie, la cauchemar à nos portes comme l’avait si bien reconstitué « Harrison’s Flowers » l’année dernière) est plutôt une réussite.

Il ne faut pas se fier à l’apparence bulldozer de la réalisation, très Jerry Bruckheimer : ralentis, caméra tournicotante, effets frontaux, son à se déchirer les tympans… car si, là où des filmmakers de l’écurie Bruckheimer comme Simon West multiplient les effets techniques grandiloquents pour masquer le vide de leur mise en scène, ici, le John Moore en question (faudra qu’on m’explique qui sait, j’ai jamais entendu parler), y va fort mais à bon escient : « En territoire ennemi » est très bien filmé, haletant, insupportable presque : de la scène aérienne d’ouverture, époustouflante et d’une rare efficacité (dans « Top Gun », par exemple, on s’en fout royalement), aux scènes d’errance méfiante (l’usine désaffectée), où le son est étouffé en bruit de respiration (chapeau aux ingénieurs du son, aux chefs déco et chefs opérateur), ce sauve-qui-peut terrifiant (à ce titre, les premières apparitions des serbes, photographiés dans les bois puis avançant sur les collines vers leurs proies, ou encore la découverte du charnier, sont des images qui laisseront des séquelles) est une gigantesque baffe.

Frontal et effroyablement crédible.

 

 

Semaine du 23 janvier 2002

 

VANILLA SKY

de Cameron Crowe, avec Tom Cruise, Penelope Cruz, Cameron Diaz et Kurt Russell.

Adaptation américaine (transposition-trahison ?) d’un film majeur du nouveau cinéma espagnol (le légitimement posé comme chef-d’œuvre « Ouvre les yeux », d’Alejandro Amenabar, avec Eduardo Noriega et Penelope Cruz), ce « Vanilla Sky », boulevard à l’égocentrisme de Tom Cruise (parfait dans son rôle tout à fait détestable d’arrogant arrosé), chute, à la manière du récent « A.I : Intelligence Artificielle » de Spielberg, par une grande maladresse dans son dernier quart d’heure explicatif et science-fictionnel, lourdingue et fastidieux.

Le reste était pourtant intéressant (mais tout a été excellemment bien condensé en deux minutes d’une bande-annonce extraordinaire), et ce à double titre pour ceux qui ont eu la chance de voir la version originale (dont je ne fais pas partie). Entre thriller et onirisme sous-lynchien loin de toute certitude, Crowe nous offre une belle descente aux enfers, le désenchantement et la destruction d’une idole, passées le charme d’un duo Cruise/Cruz qui fonctionne très bien (ah l’amour, car Cruise « désolé, n’est pas hétéro », dixit une réplique du film bien signifiante).

Mais bon, tout cela ne bouleverse rien, et « Vanilla Sky » finit par se traîner vers un espèce de délire psychotique puis quasiment surnaturel qui embrouille autant qu’ennuie. Hollywood n’a toujours pas compris que toute histoire de cryogénisation (et ce n’est pas la faute de « Austin Powers ») condamne n’importe quel scénario au ridicule des plus abscons. Le film ne s’avère en fait qu’un énième brouillage psycho-virtuel, posant des questions fumeuses et prétentieuses maintes fois traitées au cinéma (de « Lost Highway » à « Sixième Sens » en passant par « Eyes Wide Shut »), y répondant vainement avec ineptie. Mais bon, ça se laisse voir quand même.

 

COMME UN AVION

de Marie-France Pisier

Témoignage apparamment trop personnel qui a laissé les critiques ahuris.

 

PORTO DE MON ENFANCE 

de Manoel De Oliveira

Deuxième film de l’année pour Oliveira, 93 ans au compteur. Son dernier film, « Je rentre à la maison », chef-d’œuvre sorti en Septembre, était la plus belle réflexion qu’on puisse faire sur le métier de comédien vieillissant. On pourrait en tirer 4 pages d’analyse possible.

 

BRAQUAGES

de David Mamet

Il est extrêmement rare que je sorte d’une salle de cinéma avant la fin du film ; ce fut le cas avec ce « Braquages », nouveau film de hold-up (après « The Score » de Frank Oz l’année dernière, et les « Bandits » de Barry Levinson et « Ocean’s Eleven » de Steven Soderbergh ces semaines ci, aux traitements très différents).

Certes, j’étais particulièrement fatigué ce soir là, et je n’ai peut-être pas donné toute sa chance au film. Mais quand même ! Honnête et exact (les dialogues sonnent tout à fait justes) mais passablement ennuyeux, cette nouvelle réalisation de l’embrouilleur professionnel qu’est David Mamet (on lui doit la prise de tête « La prisonnière espagnole ») souffre curieusement d’un manque d’enjeu dans son scénario, d’une construction bien graduée ; c’en est d’autant plus étonnant que Mamet est lui-même à ses heures perdues et alimentaires script doctor de blockbusters hollywoodiens, qu’il se doit de rendre plus bétons et attractifs.

Son « Braquages » manque de rythme, et ses velléités anti-spectaculaire d’une part, et exhaustive d’autre part (on ne nous épargne rien quant à la préparation concrète du braquage), se retournent contre lui. Et la complication progressive de l’entourloupe (qui apparemment croit au fur et à mesure du film) finit par agacer à son tour.

 

TAI-CHI MASTER

de Yuen Woo-Ping

Je ne connais rien en cinéma asiatique et qui plus est en film d’arts martiaux (par exemple, je n’ai strictement rien pensé de « Tigre & Dragon »). Je ne me prononcerai donc pas sur ce truc, c’est au-delà de mes compétences. C’est à vous de décider et de désigner le maillon faible, comme finirait Laurence.

 

 

Semaine du 16 janvier 2002

 

COMPTE A REBOURS MORTEL

de Jim Gillepsie, avec Sylvester Stallone

C’est ce qu’on appelle une « sortie technique », qui permettra au film une large exploitation future en vidéo. Jamais bon signe. Stallonne à l’affiche, Jim Gillepsie à la réalisation (celui qui a commis l’épouvantable « Souviens-toi… l’été dernier »), et surtout des distributeurs américains qui l’ont sorti sous deux titre différents (« D-Tox » et « Eye See You »), histoire de tromper les spectateurs, tellement le film est reconnu comme étant lamentable. « 13 Fantômes ». Robert Zemeckis est un excellent réalisateur, mais un piètre producteur. Il s’est mis à lancer des projets de remakes des vieux films d’épouvante de William Castle. Ce fut le raté « La maison de l’horreur » l’année dernière. Ce « 13 Ghosts » n’est aparamment pas mieux.

 

FAIS-MOI DES VACANCES

de Didier Bivel

Film sincère tourné avec des comédiens amateurs. Ca tient la route, à découvrir donc.

 

CET AMOUR-LA

de Josée Dayan

avec Jeanne Moreau dans la rôle de Marguerite Duras.  Derrière le sulfureux, la réflexion littéraire. En esperant que Dayan (lesbienne, en passant) ne va pas nous refaire le coup du « Monte-Cristo » version TF1. Le long-métrage qui m’attire le plus cette semaine (critique dans le prochain épisode, si j’arrive à le choper sur Lyon). « La route », de Darejan Omirbaev. C’était juste pour le plaisir de taper le nom du réalisateur. Ca nous vient du Kazakhstan, et ça a l’air assez riche. (Non, ce n’est pas un oxymore).

 

LA PRISON DE VERRE
(" The Glass House ")

de Daniel Sackheim

Exercice de style qui a des allures de film à méchant (c’est quand même produit par Neal H. Moritz, celui qui nous fournit toutes ces grosses daubes ado type « Urban Legend »), mais qui, derrière son manque de finesse évident et ses grosses ficelles éculées, réussit incontestablement à instaurer un certain climat de tension et de suspicion.

Certes on n’est pas ici au niveau de l’inégalé « La main sur le berceau » de Curtis Hanson (je n’ai pas vu mieux depuis 1992), mais l’excellent travail du chef décorateur et de la photographie rendent la tentative plastiquement efficace. Ce sont de belles potentialités cinématographiques qu’offre cette étrange et belle maison, ses glaces en verre (bon titre original qu’est « The Glass House », du nom de ses propriétaires, et de sa texture général), ses reflets aquatiques, sa lumière bleutée… L’application du jeune réalisateur suffit ensuite à combler un scénario assez basique, mais au moins sûr car éprouvé.

« La prison de verre » a en plus le mérite d’être bien porté par la jeune Leelee Sobieski (sans doute l’actrice de sa génération la plus douée sur le marché actuellement), en plus excellemment bien doublée en Français (par la très douée Alexandra Garijo, la voix de Joey/Katie Holmes dans « Dawson » et de l’aînée de Lily dans « Once & Again ») ; à défaut du jeu trop inquiétant pour être honnête de Stellan Skarsgard (définitivement ancré sur une carrière américaine productiviste après avoir été découvert par Lars Von Trier pour « Breaking the Waves »), quoique le couple qu’il forme avec Diane Lane (très bonne en camée pathétique) est plus complexe que ce que l’on prévoyait… Et en plus, personnellement, j’adore ce genre d’histoire (le tuteur qui a l’intention de nuire, comme « Le beau-père »), alors…

 

BANDITS

de Barry Levinson

Excellent pastiche du film de braqueurs, drôlissime et bien campé par un trio de comédiens formidables (et de nombreuses fois déguisés avec du goût !) : Bruce Willis, égal à lui-même, Billy Bob Thornton, dans un tout autre genre que « The Barber », et la sublime Cate Blanchett, qui se lâche tout en conservant son charme presque mystique (ah, si seulement j’étais pas gay !). Barry Levinson s’attelle ici à un nouveau genre (lui à qui l’on doit, tenez-vous bien,  « La dernière folie de Mel Brooks », « Diner », « Good morning Vietnam », « Rain Man », « Avalon », « Bugsy », « Toys », « Harcèlement », « Sleepers », « Des hommes d’influence », « Sphere »  et « Liberty heights »), et l’on sent sa délectation.

Accompagné d’une géniale bande-son (de Bonnie Tyler à U2, ainsi que des partitions originales qui alternent du punchy et du plus intiliste), « Bandits » joue sur l’absurde et les contre-pieds, avec de nombreux gags et répliques hilarants, sans se limiter au seul buddy-movie (et de la teneur de « Butch Cassidy et le Kid »), loin loin de là. Vif et invraisemblable, c’est le film à voir en ce moment, même si certes tout cela n’est pas bien révolutionnaire. Mais ça marche !

 

CŒURS PERDUS EN ATLANTIDE
(" Hearts in Atlantis ")

de Scott Hicks

Enfant, on fait toujours une rencontre avec un sage qui va bouleverser notre vie, nous aider à grandir… Tel pourrait être le principe de cette belle et calme chronique de souvenirs d’enfance, un peu vaine car peu inventive, assez éculée, bien qu’agréable et sincère. Malgré quelques bonnes idées, nottament le symbolisme de quelques éléments exterieurs fantastiques et mystérieux (qui sont ces hommes en noir, tout droit sortis d’un policier des années 50, qui persécutent mentalement Anthony Hopkins, venant le chercher ?) . Mais film trop sage, finalement assez plat. Bien moins bon que « Stand by Me » de Rob Reiner, autre adaptation du même type d’après Stephen King.

 

 

Semaines des 19 et 26 décembre 2001, 2 et 9 janvier 2002 (rattrapage des vacances)

 

LAISSEZ-PASSER

de Bertrand Tavernier

Très long (2h50) témoignage sur les situations des cinéastes et leurs dilemmes sous l’Occupation, ce dernier opus de Tavernier n’en reste pas moins virevoltant et formidable dans la reconstitution (de l’époque, des tournages, des paysages…). Histoires vraies et parallèles, celles de Jean Devaivre et Jean Aurenche sont ici la base pour Tavernier d’une réflexion sur le travail (où s’achève-t-il ?), la collaboration (où commence-t-elle ?) et l’engagement (que signifie-t-il ?). « Laissez-passer » alterne différents genres avec nervosité. Le film fourmille de détails et de dialogues, qui peuvent sembler inutiles, mais c’est une pierre de tous qui s’est créée ici sur l’Histoire du cinéma et de cette période. Utile, donc..

 

TABLEAU DE FAMILLE 
(" La Fate Ignoranti ")

de Ferzan Ozpetek

Très bonne comédie mélodramatique italienne, succès inattendu (grâce notamment à Stefano Accorsi, superbe jeune homme qui casse ici son image de gendre idéal pour jouer l’histoire d’un amoureux gay) qui aborde de pair les thèmes casse-gueule du deuil et de l’homosexualité. L’histoire de cette femme qui découvre que son défunt mari 1 ) la trompe 2) avec un garçon (Michele, prononcez à l’italienne), est traitée avec justesse, malgré les maladresses émises quand le film décrit l’autre monde dans lequel vivait ce mari. Il y un monde homosexuel, fait de toutes les figures imposées : le beau gosse se mourrant du sida, le transsexuel, l’exclue de la société, etc… Certes, mais il faut pardonner aux scénaristes du film ces passages obligés, car mieux vaut ne pas oublier qu’il s’agit là d’un des premiers longs-métrages grand publics à se pencher sur cet univers (nous sommes en Italie où la visibilité gay est bien moindre qu’en France et où l’Eglise est très influente), et un certain souci didactique et d’exhaustivité conduit à ce genre de concessions dangereusement généralisantes. Mais aussi, ce portrait, somme toute juste, est avant tout celui d’une famille, la famille dans laquelle le mari d’Antonia se sentait à l’aise.

En prenant justement le point de vue de cette femme ahurie (interprétée tout en retenue par cette Claire Chazal), qui a besoin de savoir, de connaître ce monde, pour en fait mieux connaître son mari, « Tableau de famille » éduque avec justesse et finesse la civilisation italienne à l’homosexualité. On ne peut que reconnaître (nos propres parents, voire nous-mêmes quand nous sortons les premières fois dans le milieu) dans son visage à la fois d’étonnement et de dégoût quand elle fois l’amant de son mari, qu’elle commence à comprendre, à apprécier, à aimer, se faire embrasser par deux beaux gosses en boite en prévision d’une partie de sexe triolique la nuit qui vient. Il est vrai que chez les gays il y a plus de facilité sexuelle que chez les autres, et La justesse, jamais de cette scène, jamais péjorative, permet de présenter à l’optimal cet aspect là de la vie gay.

Mais la réussite de « Tableau de famille » ne réside pas que dans son exposé de la famille gay (ce n’est pas un film militant, et on peut penser que le reportage post-générique sur l’équipe du film paradant à la gay pride italienne romaine est presque mal venu). Le film est très fort quand il traite du post-deuil, de l’incompréhension, des rapports entre deux personnes qui apprennent à se connaître, tout cela car une même personne, défunte, les a tous les deux aimés. Le voyage initiatique d’Antonia (si l’on peut parler d’un « voyage initiatique ») la conduit à appréhender la souffrance de l’amant de son mari : ils sont deux à faire leur deuil, et une des dernières scènes, où l’amant souffre de l’absence de son amoureux sur l’épaule de la veuve de celui-ci, est splendide ; ils finiront même, leur douleur annihilant leur raison, à s’embrasser : car ils font un.

« Tableau de famille » n’a rien d’un « Pédale douce » italien, c’est un film sensible, formidablement joué (Margherita Roy et Stefano Accorsi) et dialogué, qui ose prendre des partis pris (au départ, Michele paraît bien antipathique, mais c’est pour mieux cacher sa souffrance), et qui donne peut-être les plus belles définitions des mots famille et réconfort. Homosexualité, on a dit ? Ah oui, mais au fond peu importe.

 

SPY GAME – JEU D'ESPIONS

de Tony Scott

D’abord ce qu’on attendait tous : la confrontation à l’écran de Brad (kunk’o’blond) Pitt et Robert Redford, son papa, ah non euh… Bilan : trois scènes ensemble. Pourtant, Douglas Wick, le producteur, a des sous. Mais bon… ensuite, ce que c’est : un film curieux, presque inattendu, de la part du bourrin Tony Scott (le frère de Ridley, « Top gun », j’en passe et des meilleures), car approfondi, plutôt réaliste (mise en scène béton, crade et transpirante), presque historique voire documentaire, sur les conflits, le terrorisme et les implications de l’espionnage.

Seulement voilà : la construction du film (Redford raconte pendant une heure et quart les différentes affaires, en flash back, traitées par son poulain Brad, qui en passant est emprisonné dans des geôles chinoises) est bancale, et l’action PRESENTE tarde à venir. Quand elle vient, ce n’est que pour mieux nous offrir des tactiques usées par Redford pour jouer de la CIA : en gros, on n’attendait pas ça (malgré la rigueur scénaristique dont fait preuve l’ensemble).

Le film n’est pas raté, loin de là, c’est même plutôt un très juste témoignage qui sonne en fait le glas de la CIA ; mais il n’a pas l’efficacité d’un blockbuster, tel que Scott en a fait comme son précédent, moderne, haletant et paranoïaque « Ennemi d’Etat » avec Will Smith. « Spy Game » est très intéressant certes (le thème de l’apprentissage ; le dilemme de la CIA qui a fait le choix d’abandonner un de ses espions pour éviter un incident diplomatique mettant en jeu des intérêts commerciaux ; le dilemme de l’espion qui a tant travaillé pour la CIA dont il  va retourner les ressorts…), mais perd de ce fait son efficacité de divertissement (ce qu’il n’est pas, en fait). Et des dollars à avaler…

 

SE SOUVENIR DES BELLES CHOSES 

de Zabou Breitman

Zabou (oui oui celle qu’on voit parfois dans des seconds rôles et dont on ne sait pas d’où elle vient) a bluffé tout le monde en faisant (tout dans) ce film bouleversant et magnifique, sans jamais être ni larmoyant ni apitoyant (tout sauf du Sandrine Bonnaire), toute seule. Sa mise en scène dynamique, n’hésitant pas à casser le rythme et à oser des plans et symboliques personnels, lui permet de traiter un sujet difficile (Alzheimer, d’autant plus insoutenable qu’il touche une jeune femme, à peine trente ans) avec sensibilité voire poésie. Même les scènes les plus terribles (Isabelle Carré, ayant perdu toute sa raison, se perdant dans la ville en criant au ciel telle une enfant, presque heureuse) sont d’une beauté renversantes. Les performances des acteurs sont incroyables : isabelle Carré donc, mais aussi un Bernard Campan, échappé des Inconnus, dans un rôle difficile, qui lui a demandé une pudeur, un regard, fournis avec brio et sincérité. Un film parfois maladroit, mais touchant, réaliste malgré la romance, et dont l’inéluctable est traité avec un pathétique des plus nobles et poétiques.

 

LES AUTRES 
(
"The Others")

d’Alejandro Amenabar

Le box-office américain a vu ce film tranquillement mais sûrement atteindre la barre symbolique des 100 millions de dollars de recettes, grâce à une tenue exemplaire due à un bouche-à-oreille incroyablement favorable. Il est vrai que ce film d’ambiance et de suspense, huis-clos paranormal de genre fantastique, n’a rien de la vulgarité crasse d’une quelconque blockbuster. Des comparaisons avec « Sixième Sens » ne manqueront pas d’être émises ; pourtant, malgré une clé similaire, son traitement est bien différent. Car « Les Autres », très suggestif,  est mise en scène avec une retenue, un sens du silence et de la photographie, rares et somme toute romantique, au sens littéraire du terme. Jersey, brume, bougie, solitude d’une femme dont le mari est parti à la guerre, manoir victorien classique… autant d’indices annonciateur d’un thème principal qui est le délicat et romantique attachement à une maison, un lieu qui est le centre d’une vie. Et d’une mort, aussi. Mais chhhh… Nicole Kidman y est affublée d’une coiffure très hitcockienne, et vaut à elle seule le détour pour ce film complètement à contre-courant sur l’entre-deux (entre vie et mort, entre guerre et paix, entre deux continents, entre réel et fantastique). L’anti « Hantise » de Jan De Bont, film grotesque à effets spéciaux, d’une rare inefficacité. Mais bon, tout est une question de point de vue (re cchhh…).

 

THE NAVIGATORS

de Ken Loach

Dès l’extraordinaire première scène, on sent que Ken Loach, LE cinéaste social anglais (si l’on peut oser ce malheureux raccourci) s’est retrouvé, et va nous signer un de ses meilleurs films. Dans ce prologue comique et vrai, capté à la « Strip-tease », un malheureux cadre tente d’expliquer à ses équipes de cheminots qu’ils sont passés dans le privé, et de leur insuffler un hypothétique esprit d’entreprise et de motivation. Il se heurte à l’inévitable et justifiée désinvolture des hommes de terrain qui le raillent largement, ils ont bien d’autres préoccupation.

« The Navigators » va nous montrer, avec justesse et exhaustivité, les conséquences et non-conséquences de la privatisation galopante du chemin de fer britannique sur ceux qui le font fonctionner ; interprété avec un naturel déconcertant, le scénario passe de nombreuses fois par l’absurde (i.e, en l’occurrence, le réalisme)  pour nous mener vers une destination inéluctable. Jamais pathétique (le piège dans lequel de nombreux films dits « sociaux » anglais sont tombés), bien plus drôle que triste, terriblement ordinaire, jamais militant, le film évite la dénonciation brute et facile, mais prend malgré tout le point de vue des premiers concernés, confrontés à des dilemmes amenée par la privatisation, et plus généralement, le libéralisme, ici très éphémère. Chef-d’œuvre.

 

HEY, HAPPY ! 

de Noam Gonik

Déconnade gay non identifiée sur les affres hystériques et intriguantes d’un jeune DJ qui après avoir couché avec 1999 mecs, attend le 2000ème, son premier véritable amour ? Après renseignements auprès de son distributeur, ED Productions (dont je n’avais jamais entendu parler), le film ne se jouerait que dans 1 salle, le MK2 Beaubourg à Paris. Une sortie pour Moules-Frites ?

 

ZOOLANDER

de Ben Stiller

J’encourage Laurent Ruquier à emmener son petit copain Steevy voir cette comédie acide et débile sur les mannequins masculins du milieu de la mode, très drôle, réalisée, écrite et interprétée avec audace (malgré quelques petits problèmes de rythme) par un Ben Stiller sans pitié (p’tit Ben qu’on a vus dans plein de premiers-seconds rôles, cf « Mary à tout prix », « Disjoncté » et « Mon beau-père et moi »). Bourré de caméos de guest-stars, résolument « Austin Powers » dans le traitement de son sujet, ponctué par des morceaux de bravoure dont on se souviendra (la compétition d’arrachage de slips par les modèles), « Zoolander », centré autour de son personnage principal, un modèle dont la connerie n’a d’égal que la célébrité, amuse le bon quidam, et encore plus si l’on connaît un peu le milieu. Certes tout n’est pas nouveau (le coup de l’ordinateur, téléscopage digne des « Visiteurs »), mais sa cohérence dans la moquerie acerbe et délirante mais pas virulente font de ce film de taupe-modèle un sommet anthologique d’absurde. Chapeau à Ben Stiller et Owen Wilson d’avoir perdus toute estime de soi…

(Je me permets de vous conseiller deux perles qui aiment à dynamiter des milieux similaires, qui ont un traitement tout à fait différent, à savoir celui d’un faux documentaire à la Strip-tease : le « Bêtes de scène » de Christopher Guest sur les concours canins, et surtout « Belles à mourir », « Drop Dead Gorgeous » en VO, sur les élections de Miss, brillant, un des 3 meilleurs films de 1999-2000.)

 

SEXY BOYS

de Stéphane Kazandjian

Joli coup de Pathé, qui a aidé un jeunot réalisateur à monter son premier film de potaches surfant sur la vague (et quelle vague) du film ado-crado, lancée il y a deux ans par les frères Weitz avec “American Pie” (et un peu avant par les frères Farrelly avec “Dumb & Dumber” et “Mary à tout prix”) et poursuivie cette année par le deuxième. Se masturber dans un plat de pâtes (à défaut d’une tarte aux pommes), s’enfoncer des bouteilles de bière dans le cul : c’est drôle !

« Sexy Boys » (attention, titre trompeur pour ce film non gay-friendly) est une comédie fastidieuse et lamentable, à voir seulement pour le mimi, naturel et torturé Julien Baumgartner, et pour constater les dégâts qu’ont causé sur la personne de Jérémie Elkaïm (tout récemment heureux papa) ses virées nocturnes quotidiennes aux Bains l’année dernière (on le préfère nu sur la plage, au soleil, fougueux preneur de Stéphane Rideau dans « Presque rien » de Sébastien Lifshitz, et dans d’autres courts-métrages à tendance gay qu’il a pu tourner pour démarrer), un Jérémie réduit à jouer le rôle de grand dadais. Pas grand chose à sauver dans ce divertissement furieusement appliqué dans sa mise en scène (très John Hugues, mais rien n’égalera « La folle journée de Ferris Bueller » et son Matthew Broderick) et lamentablement pré-pubère. On a dit que le franc-parler d’Armelle Deutsch sauvait le film : ouaif, les autres acteurs sont pas mauvais eux non plus…

 

LE PEUPLE MIGRATEUR

Voler avec les oiseaux migrateurs, à toute altitude (ras-de-l'eau en Drôme, au-dessus de New York, sur les sommets de l'Himalaya, en Chine, en Afrique, partout dans le monde...)

Annoncé depuis plusieurs années, extrêmement attendu, cet incroyable finalisation d'un projet digne d'Icare représente l'inconcevable réalisé.

On peut y aller avec tous les préjugés que l'on a pu trouver : après les très instits mais beaux "Microcosmos, le peuple de l'herbe" et le romancé "Himalaya, l'enfance d'un chef", encore, a-t-on dit, du superbe marketé, aussi riche cinématographiquement qu'Okapi l'est pour la presse ado.

Mais on ne peut que s'incliner face à la maîtrise et le superbe de l'oeuvre réalisée par Jacques Perrin, qui est quand même le créateur de la défunte "25ème heure", dont les documentaires nocturnes, souvent osés, n'ont pour la plupart jamais été égalés dans le domaine du documentaire. Avec autant de brio, "Le peuple migrateur" réalise un fantasme humain universel, et vulgarise le documentaire animalier et géographique en y incluant le savoir-faire et toutes les astuces romanesques de l'art cinématographique. Et c'est d'ailleurs sur ce dernier point que l'on peut relever les faiblesses du film.

Si ici, la beauté des images, le vertigineux des techniques et des moyens mises en oeuvre, et surtout l'excellence de la musique, transcendent la nature, la subliment, les quelques instants de signifiances en deviennent presque mal venus, si faciles. Par exemple : l'on s'aperçoit, dans un grand symbole, que les "obstacles" au bon fonctionnement de la nature sont le fruit des humains. Ne serait-ce par exemple que la dizaine de secondes de chasse : un choc pour un spectateur léthargique dans son plaisir et sa fascination, du à une rupture très nette, la musique s'arrêtant brutalement. Non pas que le film soit militant, mais au moins partial dans la mise en scène. Cependant, "Le peuple migrateur", malgré le rôle important que jouent son montage et sa musique, est beaucoup moins manipulateur que "Himalaya", qui est lui véritablement un film d'aventure.

Varié et exhaustif, surprenant, ce film d'oiseaux est surtout un prétexte à des voyages, des paysages multiples, des luminosités subtiles. Le film est une somme de captations d'instants, sublimés par la musique de Bruno Coulais, qui fait du Bruno Coulais : style unique, polyphonique, magnifique, sa partition est d'une beauté et d'une émotion renversantes. La sublimation d'un film ressourçant et tout aussi unique. Fluidité et harmonie.

Doit-on malgré tout rentrer dans la polémique lancée par Le Monde (est-ce seulement du cinéma ?) : ah, ces humains...

 

LES ROIS MAGES

Ouf ! On m'en a dit beaucoup de mal (et des gens très proches, et c'est un euphémisme, hein poussin ?), et pourtant ce nouveau film du trio des Inconnus enfin reformé, après tracas judiciaires (leur producteur Paul Lederman leur avait interdit de travailler tous les trois ensemble !), s'il n'atteint pas le niveau des "Trois frères", est plutôt drôle, bien enlevé, très bien écrit, à défaut d'originalité (c'est en fait une sorte de "Visiteurs" à la sauce araméenne).

Ni poussif comme "Le Pari" ni ridicule et pas drôle comme "L'Extraterrestre", ces "Rois Mages"-là nous permettent d'apprécier des dialogues drôles et ciselés (à défaut de gags drôlissimes) et de retrouver des intonations bien connues. Bénéficiant d'un sens connu du crescendo et déjà éprouvé de l'emphase (une fois encore, les Inconnus montent jusqu'aux médias, qui en prennent ici un sacré coup par le biais du personnage berlusconien du patron de chaîne, franchement troublant), "Les Rois Mages" peuvent amuser autant que "Antilles sur Seine" de Pascal Légitimus en solo, passé inaperçu l'année dernière mais plutôt bon aussi.

 

LA REVANCHE D’UNE BLONDE
("Legally Blonde")

 Succès-surprise de l'été américain (parmi deux autres sleeper hits, pour le vocabulaire, à savoir "Fast & Furious" et "Princesse malgré elle"), cette comédie drôlatique (qui raconte comment une blondasse décérébrée va s'inscrire à Harvard pour rejoindre son ex qui l'a larguée car elle est blondasse et décérébrée, mais il l'aime quand même - fermez bien bien bien les guillements) vaut par son scénario malin derrière sa futilité et l'abattage éclatant de sa comédienne principale Reese Witherspoon. Ne fuyez pas derrière l'apparent kitsch rose-bonbon de l'affiche ou de la bande-annonce : "La Revanche d'une Blonde" est un des meilleurs films de l'année, et se joue justement de cette image.

Composant une variation étonnante sur la superficialité et la futilité, les scénaristes et actrices principales surpassent ici le "Clueless" d'Amy Heckerling avec Alicia Silverstone (1994, déjà), auquel tout de monde a oublié de le comparer (et pourtant les deux films en sont très proches). Et notamment car derrière le canevas à l'évidence apparente du scénario (type : film qui va montrer qu'une blondasse débile peut triompher et devenir évidente), il y a une astuce qu'il faut, après la séance, savoir saisir. Notre héroïne ne va pas triompher des clichés, mais grâce aux clichés : Reese Witherspoon ne devient pas "normale" et "intelligente" : non, elle est sauvée par ses seules connaissances d'esthéticienne !!! (et c'est bien un joli pied de nez au scénario hollywoodien classique).

Je n'en dis pas plus : pas facile de critiquer ce film réjouissant et qui s'assume (et réjouissant car il s'assume, également) sans plomber ses surprises. Mais faites-moi confiance et considérez le carton qu'a fait aux USA cet excellent divertissement.

 

ATLANTIDE, L’EMPIRE PERDU

Dessin animé Disney de Gary Trousdale & Kirk Wise

Epinglé par la majeure partie des critiques américaines puis françaises, précédé d'un échec symbolique au box-office US (le film n'a PAS atteint les 100 millions de dollars de recettes), voici donc cet "Atlantide", englouti, et de mauvais augure.

Symbole d'une industrie Disney très mal en point depuis quelques années (après la dream team "La belle et la bête", "Aladdin" et "Le Roi Lion", cartons commerciaux et critiques, et l'exception critique "Mulan" et technique "Dinosaures"), avec les semi-échecs "Tarzan", "Pocahontas", "Hercule", "Dinosaures", le score de "Atlantide" parait comme sonner le glas de la réussite du dessin animé annuel, en dessin traditionnel, pour les studios Disney, qui réussissent bien mieux alliés à Pixar pour les dessins animés en images de synthèses (bombes de cinéma et de succès commerciaux que sont "Toy Story" 1&2, "1001 pattes" et le "Monstres & Cie..." à venir, sorti à Thanksgiving cette année et qui a fait le plus gros démarrage de Novembre d'une part, et pour un dessin animé d'autre part). Concurrencé sur le secteur traditionnel par Dreamworks ("Le prince d'Egypte", succès, et "La route d'Eldorado", échec) et la Fox ("Anastasia", le meilleur dessin animé de cette technique depuis six ans), et sur le secteur "images de synthèse" par Dreamworks également ("Shrek", n°1 de l'année) et la Fox (le succès futur d'un étonnant "Ice Age" en dépend), Disney jouait avec "Atlantis" sans doute une de leur dernière cartouche. Car leur dessin animé printanier (de type traditionnel), chef-d'oeuvre de comédie qu'était "Kuzco, l'empereur mégalo" ("The Emperor's new groove"), n'avait pas marché.

Qui souffre ici d'une laideur plastique et d'une faiblesse scénaristique évidente. Les premières minutes sont plutôt drôles et charmantes : le dessin y est caricatural et très anglais, l'animation saccadée rappelle un peu ces scènes désuètes des anciens Disney (du genre cette scène de "La Belle et le Clochard" où des maîtres promènent leurs chiens qui leurs ressemblent comme deux gouttes d'eau). Prologue drôle et dialogue concis, c'était un peu le retour à un savoir-faire ultra-classique et bien peu moderne qui était annoncé. Et puis au fur et à mesure que l'histoire avance, pompant Jules Verne sans vergogne, les traits des dessins (surtout des personnages) s'épaississent et perdent en acéré, pour finir vulgaires et franchement laids (type BD "Paintbrush" de Mickey Parade). Et pour faire simple, c'est tout comme ça. Cherchant un spectacularisme grandiose, les scènes "catastrophe" du film ne sont en fait que des transformations mécaniques ennuyeuses, sans surprise ni bravoure. Les mouvements d'eau sont particulièrement mal faits.

Le film ennuie par ailleurs, et manque donc globalement de magie et d'émotion. Si la suppression des numéros musicaux, nouvelle, pouvait réjouir, elle enlève un nouvel argument de vente pour les enfants, qui risquent de ne pas y trouver leur compte (y compris dans le premier quart d'heure réussi, dont l'humour est particulièrement adulte et vivace, cynique et poussé).

Enfin, "Atlantide", qui est plus une aventure d'action vaguement inspirée de Jules Verne, sombre dans le n'importe quoi à force de surenchérir dans les scènes d'action à la Star Wars ou des batailles à la Albator.

 

LE MARIAGE DES MOUSSONS

de Mira Nair

Lion d'Or un peu immérité au dernier Festival de Venise, ce marivaudage assez vif et somme toute agréable par une des plus célèbres réalisatrices indiennes surprend par son internationalisme un peu forcé et la peinture d'une Inde ouverte, moderne, quasiment occidentale, bon prétexte à rendre le film plus accessible à un nouveau marché alors qu'il ne faut pas oublier que l'action se passe ici dans des sphères extrêmement minoritaires et privilégiées du pays indien. Les photographies "insères" dépeignant l'autre face, pauvre, surpeuplée et bordélique, qui ponctuent l'ensemble des scènes assez aseptisé, et que n'aurait pas reniées un quelconque capteur d'images de Libération, apparaissent alors d'un certain mauvais goût, moyen de juxtaposition franchement maladroit, quota misérabiliste (quartiers populaires, quasiment insultant) franchement auto-complaisant.

On veut bien croire que Mira Nair, réalisatrice indienne vivant aux Etats-Unis, ait voulu dépeindre les contradictions de l'Inde actuelle (progressiste ?) par le biais d'une "comédie de moeurs". Optant pour un style court et efficace, une caméra virevoltante, et surtout un mélange de langue (indien/anglais) assez troublant, elle réussit à dynamiser son propos qui, derrière une futilité apparente, s'attaque aux thèmes des différences et parallèles entre riches et pauvres, traditions collectives et aspirations libertaires individuelles (et féminines...). Certes, mais le film n'échappe pas un certain kitsch par son style entre deux chaises : Hollywood ou Bollywood ?

Et quand "Le mariage des moussons" se met à exorciser une histoire d'inceste, rupture du film, on a même l'impression de se retrouver au Danemark, chez "Festen" !

Un roman-photo de "world cinema" (comme la "world music") inédit mais scabreux, donc.

(noter une B.O qui contient des tubes types Alane version indienne, tubes en puissance)

 

 

Semaine du 12 décembre 2001

 

SILENCE… ON TOURNE !

Alors là, permettez-moi à l'avance de vous présenter mes excuses, car ce long-métrage que j'ai trouvé d'une pauvreté et d'une bêtise ahurissantes me laisse dans une profonde perplexité. Je ne comprends pas comment un des meilleurs cinéastes de notre temps, l'égyptien Youssef Chahine, puisse réaliser pareille absurdité : intrigue de soap-opéra du riche, mise en scène dynamique digne d'un jeunot pressé, un rare délire onirique purement ridicule..., et surtout une histoire foncièrement inintéressante. Mais qu'est-ce que cette chose débile, sans aucune saveur locale, construite sur des clichés éculés et des personnages monades et fades, à la manière d'un sous Bacri/Jaoui ?

Frivole, le film l'est certainement. Ironique, j'ose l'espérer : Louis Guichard de Télérama le comprend (car je me suis précipité sur les critiques dès la fin de la projection, histoire de comprendre un peu ce machin hallucinant qui m'a autant ennuyé que laissé sur le cul) comme "un Youssef Chahine qui se joue du mélo avec un entrain irrésistible". Je cite : "Qu'est-ce que c'est que ce méli-mélo ? Du Molière loukoum, une opérette à quatre piastres, un inventaire des poncifs du cinéma populaire égyptien ? Oui et oui. Puisque toutes les histoires ont déjà été racontées, Chahine ne fait pas semblant d'en inventer une. Il a d'autres façons d'habiter son film intensément. (...) Il sait transformer un récital de sa chanteuse en pur moment de bravoure, donner le frisson à coups de violons déchainés et de mouvements d'appareil grandiloquents. Il peut ponctuer une scène houleuse d'un gag de Guignol - une table de réception réduite à néant par le simple contact d'une broche- et une scène d'amour d'un kitchissime effet spécial -les amants s'envolent littéralement au-dessus des flots bleus. et quand ça chante et çadanse jusque sur les quais du métro du Caire, c'est le spectateur qui décole...". Vous savez quoi ? Louis Guichard n'a aucun argument. son interprétation, du pur ressenti, est bien facile. Heureusement encore que l'effet spécial kitchissime est du second degré ; le problème, c'est qu'il n'est pas drôle, et que le reste est lui involontairement con et kitsch, faisant avancer son scénario (amours contrariées, notamment du fait d'inégalités sociales) avec sérieux. Et là, quand Guichard écrit : "Derrière le kitsch, la fracture sociale", JE ME MARRE !

Mieux vaut revoir le Chahine sérieux, engagé et au cinéma d'une richesse infinie (« L’Autre », « Le Destin »...) que cette gigantesque connerie.

 

TOSCA

Curieuse expérience de cinéphage que ce tournage d'opéra entrepris par Benoit Jacquot (dernier film en date : "SADE" avec Daniel Auteuil), avec une fidélité exacerbée à l'oeuvre de Giacomo Puccini. Décor unique entrecoupés d'images prises lors de l'enregistrement musical proprement dite, mise en scène abusant de longs gros plans sur les personnages qui parlent à leurs partenaires en les avalant/en leur criant dessus (pour ceux qui n'ont jamais vu d'opéra, il faut s'habituer), le parti pris du réalisateur annihile peut-être un peu trop la dimension cinématographique de la chose. certes il y a un choix évident de mise en scène, certes les rares mouvements de caméra sont amples et riches de signification... mais le statisme résiduel de la chose ennuie le spectateur volontairement laissé libre d'apprécier la force et densité de l'oeuvre de Puccini (qui personnellement m'a un peu échappé, fatigue oblige). Sans doute passionnant pour les cinéastes désireux d'adapter des opéras, metteurs en scène d'opéras eux-même, et passionnés de musique classique et/ou d'opéra, "TOSCA", permettez-moi d'en douter, n'en reste pas moins un moyen pas bien sûr d'éduquer le spectateur lambda (pour qui le langage de l'opéra est ésotérique) au genre et à la transposition d'un support à l'autre (voir pour les interessés la très longue et brillante analyse du film dans le numéro de Positif d'il y a deux mois).

 

LE SORTILEGE DU SCORPION DE JADE
("The Curse of the Jade Scorpion")

Le Woody Allen annuel est comme à son habitude bavard et soigné, aux dialogues ici particulièrement ciselés et au rythme franchement soutenu, ce qui aboutit, derrière l'hommage aux enquêtes policières des années 40-50 et à l'esthétique de l'époque (voir Charlize Théron, nouvelle Veronica Lake, la dominante ocre et lumineuse des décors intérieurs), à une longue sitcom au sens noble du terme, une vraie comédie de situations, n'hésitant pas parfois à tendre gentiment vers l'absurde. Le choix par Allen en deuxième rôle principal de l'excellente Helen Hunt, héroïne en couple avec Paul reiser de la sitcom d'ABC "Dingue de toi" (vue dernièrement dans "Seul au Monde", "Un Monde Meilleur " et "Ce que veulent les Femmes") et oscarisée pour "Pour le Pire et pour le Meilleur", en est assez éloquent.

Allen, aujourd'hui aussi dynamique devant que derrière la caméra, forme avec Hunt un couple de contraires explosif, buddy couple plein de vannes bien lancées. Le film vaut surtout pour cette dimension purement comique et ses répliques-persiflage à répétition ; le reste est tellement invraisemblable que ce divertissement allénien (avec ici une certaine pédale douce sur la névrose, même si allen joue toujours un loser attendrissant) n'a aucune autre prétention. C'est toute la différence d'avec les Allen du genre, d'une classe bien supérieure, que furent "Coups de Feu sur Broadway" et "Meurtre Mystérieux à Manhattan". 

 

PAS UN MOT
("Don't say a word")

Nouvel avatar d'un genre que j'aime appeler le "thriller bleuté" (de part la dominante photographique et urbaine, genre inventé par "Le silence des agneaux"), ce "Pas un mot" est une facture correcte, un thriller à surprises sans surprise. Il y a du savoir-faire au générique : Gary Fleder, bon filmmaker à la réalisation (on lui doit une tarantinade, "Dernière Heures à Denver", et un très bon sous-"Seven", à savoir "Le Collectionneur " -"Kiss the girls"), Arnon Milchan, Anne et Arnold Kopelson à la production (spécialistes de ce genre de produit très souvent rentable), et Michael douglas dans le rôle du père de famille confronté à l'horreur menaçant sa petite famille (il fait du douglas interchangeable, c'est-à-dire qu'on aurait pu aussi y mettre Mel Gibson ou Harrison Ford, quoi). Le résultat est sans saveur, déjà vu (décors alternant l'appartement cosy avec le poisseux, puis le cimetière, ouarf ouarf !) jamais très efficace, déclinant ici l'enjeu à la sauce psychiatrie facile (une internée renferme dans son cerveau une combinaison secrète, ficelle joyeusement pompée sur le "Code Mercury" de Harold Becker), faisant quelques clins d'oeil évidents à Hitchcock ("Fenêtre sur Court" en particulier), et se terminant incroyablement platement (mais l'ensemble n'est jamais vraiment haletant). Pas mauvais mais pas franchement excellent non plus, on va voir "Pas un mot" en sachant à l'avance exactement ce qu'on va nous donner. Il n'y a au moins pas tromperie sur la marchandise. C'est déjà ça.

 

Deux films qui dynamitent la société US : BULLY de Larry Clark (qui a une passion pour la jeunesse US à tendance trash et nihiliste, voir « Kids » et « Gummo ») et STORY TELLING de Todd Solondz (qui a joyeusement commis « Bienvenue dans l’âge ingrat » - « Welcome to the Dollhouse » - et « Happiness »)

 

Et surtout :

BECASSINE LE TRESOR VIKING

Chantal Goya a loué une salle entière pour être en tête à tête avec ce dessin animé événement.

Encore mieux que le « Rocky Horror Picture Show ! », dear Ian !

 

INCH'ALLAH DIMANCHE

de Yamina Benguigui

Attention, film rare.

Il faut savoir pardonner toutes les maladresses et un certain manichéisme (mais peut-on parler de manichéisme dans ce cas, si autobiographique) à cette chronique sociale, féministe et historique, extrêmement difficile, capable de vous bouleverser toutes les trois minutes, par des scènes répétitives et connues du quotidien de ces jeunes femmes expatriées d'Alger à la fin des années 60, parties rejoindre leurs "maris" (les guillemets s'imposent) venus auparavant travailler en France, dans le cadre de la politique de "regroupement familial" mené par Jacques Chirac.

Les thèmes ici  traités par la réalisatrice Yamina Benguigui (déjà auteur du splendide documentaire "Femmes d'Islam" et surtout de "Mémoires d'immigrés") ne sont pas nouveaux (intégration, non-émancipation des femmes, place de la femme dans la culture algérienne...), et ne sont pas ici traités avec la plus grande finesse ; le personnage de l'odieuse belle-mère aurait aussi gagné à être plus compris, la caméra s'emballe volontairement un peu trop vite pour nous montrer le stress de Zouina quand son mari rentre à la maison, et surtout la plupart des séquences et des péripéties sont d'une prévisibilité glaçante (celle du quotidien).

Mais c'est un film utile, qui touche quand il réussit, ne serait-ce que quelques secondes, à flirter vers un semblant de comédie (comédie toujours tragique ici, quoi qu'on fasse), bien curieux moments par rapport à un ensemble franchement lourd d'émotion : le couple de voisins jardineurs, l'humanité de la voisine (Mathilde Seigner, évidemment), le burlesque presque de la veuve au chien ; ou à reconstituer avec fidélité le contraste entre la situation vécue, violente, et celle des françaises, l'heure pour le "Jeu des Mille Francs" de Lucien Jeunesse sur France Inter et surtout les confidences de Ménie Grégoire, quotidiennes et révolutionnaires, sur RTL. On en oublierait presque le pathétique de ce film, et pourtant cela ne fait que le renforcer.

"Inch'Allah Dimanche" est très fort, et d'une logique implacable : on ne peut que s'attendre à la réaction de l'autre algérienne du quartier, résignée et malheureuse depuis bien longtemps. D'une logique facile, mécanique, sans âme, sans concession : certes. admettons Il y aurait bien eu, également, des pistes supplémentaires à creuser : Yamina Benguigui ne fait que suggérer le parallèle possible entre les solitudes de la voisine jardinières et  de notre anti-héroîne ; la fin est assez sensible mais presque absurde, sauvée certes par, d'une part, la performance formidable de Zinedine Soualem, époux violent qui cache dans son silence une révolte sourde contre son propre comportement (mais c'est sa mère, c'est sa culture...), et d'autre part, la valeur symbole (le sourire du soleil Jalil Lespert) et la possibilité de double interprétation (deuxième explication moins heureuse : comprenant qu'il n'y a aucune possibilité à être une Algérienne en France, notre héroïne se résoud à sortir et accompagner ses enfants à l'école, et devenir une fausse Française). La présence d'enfants nous donne droit à des clichés (dans le sens photographique du terme) très "Libération" et cruels sur cette situation universelle : témoins innocent, évidemment, et cette petite fille, au regard de future victime. Et ces cris, cette violence, arrivant à intervalles réguliers, et cela dès un départ sans doute un peu trop poussé, mais annonciateur.

C'est donc sa certaine facilité qui fait que "Inch'Allah Dimanche" pèche parfois. Mais sa vélléité abrupte, témoignage sans concession, son parti pris prophétique (vérité paradoxale : les obstacles à l'intégration se situent à l'intérieur de la maison bien plus qu'à l'extérieur) et surtout une interprétation exceptionnelle, surtout chez les personnages secondaires et tertiaires (la belle-mère acariâtre, interprétée par une "ogresse", Rabia Mokedem ; la voisine jardinière, dont je n'ai pas retrouvé le nom ;  Zinedine Soualem...), me suffisent à vous inciter à lui donner un plus fort écho, à en faire peut-être un "Marie-Line" (autre film de ce genre très fort et très maladroit) de l'année suivante.

 

MA FEMME EST UNE ACTRICE

de Yvan Attal

Bonne comédie aussi bien vue qu'évidente et sans surprise, qui ne mérite pas tout l'éloge critique que les médias parisiens et spécialisés ont pu en faire (Yvan Attal, plutôt très arrogant en promo, fait en effet très journaliste à L'Equipe, j'aurais bien vu Bruno Solo à la place). En fait, passé les jeux banalement parfaits de ces deux comédiens principaux (dont on évitera de gloser quelques lignes sur les potentielles mises en abymes d'un scénario du fait de leur réelle situation de couple), il ne reste qu'une comédie évidente, qui ne dépasse jamais son sujet et les rebondissements attendus. Les maigres tentatives explosives sont prévisibles à l'avance (voir le tournage absurde où tout le monde se met nu pour mettre à l'aise Charlotte, annoncé par un long gros plan quelques secondes auparavant par Ivan Attal), et la charpente du film est aussi solide que sans imagination. Alors certes on s'y amuse un peu beaucoup, sans pourtant rire aux éclats. surtout quand on entend (quota pédé de ma critique), que "deux mecs qui s'embrassent, ça, c'est dégueulasse". Mais là n'est pas mon propos...

Bon film tout de même, aux accents alléniens, et quelques personnages satellites bien campés. Cela dit, on attend toujours la bombe cinématographique qui dépassera, sur un sujet analogique, le formidable "Grosse fatigue" de Michel Blanc (1994, déjà !, et inégalé).

 

 

Semaine du 5 décembre 2001

 

HARRY POTTER A L'ECOLE DES SORCIERS

Quelle heureuse surprise ! Il faut dire qu’on craignait un peu le choix de Chris Colombus à la réalisation, autant qu’il est judicieux : après les délicieux et formidablement bien ciblés « Maman, j’ai raté » l’avion 1&2 » (« Home Alone ») et « Madame Doubtfire », qui d’autre aurait pu mieux cerner l’innocence gamine et merveilleuse des habiles romans de J.K. Rowling ; et en même temps, comment ce filmaker résolument hollywoodien et (donc) naïf allait-il rendre compte d’une sensibilité particulièrement anglaise alliant avec ironie un bestiaire moderne et un univers classique et laissant toute la place à un imaginaire presque désuet (et c’est ici que réside la force des trois premiers romans surtout de Rowling), quand on voit le récent désastre de « L’homme bicentenaire », à Noël dernier, incroyablement mièvre et sans charme, digne d’un sous-sous-sous-Spielberg ? Que l’on se rassure : après 2h30 constamment sur la tangente, il se dégage de ce produit formidablement construit une réelle impression magique.

Oui, « Harry Potter » est réussi. Filmé avec un certain sens du rythme, monté avec un respect tout lisible, et surtout bénéficiant de décors malicieusement construits entre gigantisme et feutré, c’est-à-dire l’exact opposé de l’adaptation pudding d’un « Grinch » sentant l’overdose de couleurs et de carton pâte l’année dernière, ce premier opus d’une franchise fructueuse sait faire vibrer sans odeur de fabriqué le goût de l’aventure et de l’émerveillement qui sommeille toujours en nous. Notamment grâce à un scénario condensé et justement génialement fidèle à la source même romanesque, et surtout à un directeur de casting visionnaire : le trio des gamins acteurs, résolument british, est incroyablement convaincant, plein de charme et d’amusement, en particulièrement Harry justement, interprété par un Daniel Radcliffe d’un professionnalisme bluffant : même s’il s’avère moins omniprésent que prévu, ses moindres apparitions font preuve d’un charisme impressionnant ! et jamais les lunettes n’auront été aussi bien portées... Par ailleurs, l’on a droit à un chorus de comédiens « adultes » choisis au diapason : félicitions en particulier Maggie Smith, formidable en vieille sorcière mégère, personnage récurrent de tous les cauchemars et contes enfantins, du Dr Seuss à Dick-King Smith, de Walt Disney à Roald Dahl, à donc, J.K Rowling. Peut-être un peu trop découpé scénaristiquement, « Harry Potter à l’école des sorciers » convainc aussi largement grâce à un dynamisme heureux et inattendu dans sa mise en scène, où Colombus abandonne un peu ses travellings latéraux léchés pour des envolées parfois techniquement innovantes sur des balais volants !

Seul bémol : si le gars s’était retenu pour « A.I », John Williams retombe dans ses pires travers, et nous offre une partition musicale qui évoque avec un vacarme de violons étouffant un curieux mélange entre ses travaux pour « Maman, j’ai raté l’avion » et « Jurassic Park ».

Mais malgré cela, faire 1 heure de queue pour attraper une séance de « Harry Potter » vaut largement le coup : le film est aussi réussi qu’il va cartonner.

 

LES AMES CALINES

Petite comédie française sympatoc, avec François Berléand (enfin dans un premier rôle) en serial loser, et une galerie de personnages gravitaires qui nous amusent sur des ressorts de situations et quiproquos bêtas mais toujours fonctionnels. C'est un peu cheap et sans aucune inventivité, mais on s'y amuse gentiment, et le tout est une tranche de vie assez touchante. Alors certes, certains jeunes comédiens souffrent d'intonations de voix qui trahissent bien leurs débuts dans le métier et les premiers également d'un jeune réalisateur qui les dirige parfois assez mal, mais bon, on en sort tout de même assez content. Pas grand chose à dire d'autre... Ah si, le chat joue très bien.

 

MULHOLLAND DRIVE

de David Lynch

Rassurez-vous : il n'y a rien à comprendre à ce film virtuose, d'une beauté formelle rare, mais au scénario multi-portes perdant le spectateur dans les méandres de la limite entre conscient et inconscient. [Pas étonnant que les dirigeants d’ABC, qui avaient commandé à Lynch une nouvelle série à la « Twin Peaks », aient refusé ce « Mulholland Drive » de résultat !!!]. La première heure et demie est terriblement excitante, passionnante, portée par une interprétation exceptionnelle de ses deux comédiennes principales, mystérieuses, superbes, Naomi Watts (qui ressemble incroyablement à Téa Léoni) et Laura Elena Harring. Succession de scènes excitantes et réussies (on vire même parfois à la comédie de situations), aux personnages multiples, ouvrant de nombreuses pistes, avec un fil conducteur encore lisible que l'on a envie de creuser (et elle est devenue rare, cette volonté d'en savoir plus, au cinéma, de nos jours), cette première partie trouve son apogée dans une scène érotique lesbienne, point culminant de la sensualité charnelle de ses deux actrices,  qui rendrait hétéro n'importe quel pédé normalement constitué. C'est sans doute une des plus fortes et vraies scènes d'amour jamais vues au cinéma.

David Lynch y est virtuose, bien secondé par la musique hypnotique d'Angelo Badalementi et quelques autres numéros musicaux géniaux (dont un play-back sur une chanson US des 50's comme on en fait plus depuis Petula Clark ou Emmylou Harris). Le spectateur est littéralement happé par l'écran, par l'univers personnel de David Lynch, par cette fausse accessibilité de film policier de l'âge d'or d'Hollywood, par un duo d'actrices magnifiques, à l'opposé de toute vulgarité, par le thème toujours trouble et mystérieux qu'est l'amnésie. Entre rêve et réalité. Et là, par la plongée dans une énigmatique boite bleue, la raison abandonne "Mulholland Drive".  Lynch pulvérise toute forme classique de récit pour nous emmener toujours aussi classieusement dans une ballade nocturne où les temps, les expériences, les identités mêmes, sont élastiques. Lynch se moque bien de ses spectateurs : on cherche à trouver les clés, on fait des rapprochements hasardeux grâce à des répétitions de plans qui nous invitent bêtement à fabriquer des raccords explicatifs. Là où dans le film noir "Usual Suspects" peut apparaître comme une masturbation de l'esprit aboutie, c'est une sphère sans complétude que "Mulholland Drive" illustre : transcription par le cinéma d'une condition entre veille et sommeil. Eclat de rire général dans la salle quand les lumières se rallument : personne n'a rien compris. Et pourtant on a pas vu passé les deux heures trente que durent "Mulholland Drive", qui renferme de bien beaux bijoux... Immanquable.

 

THE ONE

Grosse production d'action (Sony Pictures y a investi 70 millions de $) starring Jet Li dont on avait apprécié la performance dans "Le baiser mortel du dragon" cet été, c'est un film raté au scénario lamentable et aux morceaux de bravoure assez curieux qui nous est proposé : sur une trame que Van Damme a maintes fois illustré (voir le récent et réussi lui, si si !, "Replicant"), les scénaristes nous offrent une oeuvre manichéenne, dichotomique et sans aucune inventivité, aux rebondissements éhontés, souffrant également de personnages le plus sommairement dressés. Le problème, c'est aussi que le point de vue plastique ne rattrappe pas le reste : musique hard-rock bourrin, des décors (du métal, quoi) indignes d'un blockbuster (vus maintes et maintes fois également), des effets spéciaux grossiers... et surtout des combats qui ne font que surfer sur la source déjà tarie de l'anti-gravitisme à la "Matrix" : saupoudrés de ralentis et d'accélérés bien foutus mais grotesques (pour bien montrer qu'on est dans un autre univers), à la "Sonic" de chez Séga, ils sombrent dans le n'importe quoi plus amusant que véritablement bluffant : il faut voir Jet Li (dont le talent premier, les arts martiaux, n'est malheureusement pas assez représenté dans le film) saisir deux motos dans ses deux bras et écraser son adversaire avec ! James Wong & Glen Morgan (mieux inspirés par leur précédent "Destination finale" et leurs travaux pour "X-Files") sauvent l'honneur avec une scène finale filmée avec rythme et tournoiements, mais les carences d'un ensemble (heureusement) court, basique voire bâclé suffisent à déconseiller cet échec.

 

GHOSTS OF MARS

C'est la définition même de la série B. Comme si John Carpenter, jadis réalisateur talentueux aux films terrifiants ("Christine", "Halloween"...), avait voulu rendre hommage aux films de Roger Corman qui l'ont lancé.

Sauf qu'en 2001, ça passe pas.

On ne peut pas faire dépenser 40 balles à un spectateur du troisième millénaire pour quelque chose qui s'avère aussi cheap que fascinant. C'est un sentiment partagé de ridicule et d'effroi que nous ressentons dès les premières images : dialogues lamentables, personnages invraisemblables (dont un officier complètement obsédé), casting de vidéoclub (Ice Cube !! Natasha Henstridge !! Pam Grier !!!) flashbacks dus à un scénario mal agencé (quand deux équipes se séparent, on montre d'abord ce qui arrive aux uns, puis on revient en arrière pour montrer ce qui arrive aux autres, et ça, ça ne se fait plus dans les bons scénarios depuis longtemps), une rue seulement de décors qui contraste bien avec les ambitions grandioses du truc (et ça donne quelque chose du genre une Main Street de cases en métal sur Mars, c'est-à-dire sur un désert du Nevada éclairé en lumière rouge), un scénario qui ose proposer l'ecstasy comme antidote au mal (sans commentaire)... j'en passe et des meilleures.

Et pourtant, c'est ça qui rend le film intriguant, comme une fausse impression de réalisme, comme les petits courts métrages en caméra vidéo que l'on tourne entre potes pour s'amuser. Et on reste, bêtas, comme scotchés, pour voir comment, avec ce huis clos qui fonctionne quasiment, nos gugusses vont s'en sortir. Et le meilleur (c'est-à-dire aussi le plus nul) va arriver bientôt : on passera sur cette énième histoire de force-virus maléfique flottant dans les airs, pour nous intéresser aux méchants : en l'occurrence, des ersatz maquillés de Marylin Manson, beuglant préhistoriquement (pour que ça fasse pas), qui jouent les déments (et les figurants ont bien dû rigoler à le faire !), rugissant en meute, sanglants... et efficaces !

Car on est terrifié à l'image de ces têtes brandies sur des piquets, le tout dans des rituels de secte satanique ! Et le bruyant score heavy-metal aide à la circonspection... Alors Carpenter a-t-il fait exprès de nous montrer ce film médiocre, utilisant les maquettes et le maquillage outrancier au lieu d'une haute technologie, usant de l'inexpréssivité sérieuse de ses comédiens au lieu de succomber à la mode du second degré qui aurait peut-être été judicieuse ici ? Comme si ce choix avait été de détruire ces deux constances du film moderne à la Hollywood...

Curieux, risible et terrifiant, ce "Ghosts of Mars" restera dans nos (et surtout les nôtres !)... an(n)ales. Car c'est un film à chier !

 

CHEVALIER
("A Knight's Tale")

La Columbia nous offre ici une gigantesque déconnade, efficace et drôle car sans prétention. dès les premières images, le ton est donné : un public moyennâgeux, regroupé dans une arène à la "Gladiator", se trémousse en rythme sur le "We will rock you" de Queen. Le reste est à l'avenant : anachronismes gratuits et amusants (musique rock'n'roll, mélange de dancing traditionnel et clubbing, sigles Nike gravés sur les armures...), scènes et personnages à la limite de la parodie (l'entrainement gaguesque du jeune chevalier, l'écrivain à poil qui se révèle beau parleur et faussaire...).

On connaissait déjà le goût du second degré de Brian Helgeland, cynique auteur du noir et jubilatoire "Payback" avec Mel Gibson, et scénariste oscarisé du pastiche-hommage "L.A Confidential" de Curtis Hanson. Il s'attaque ici au genre chevaleresque sans autre intention qu'alimentaire, et le film, porté par la beauté magnifique de Heath Ledger, aux traits sauvages et enfantins de blond surfeur californien, divertit assez malgré son scénario (évidemment) simplissime (notons cependant une certaine réussite émotionnelle dans la retrouvaille père-fils), une longueur excessive et un bilan somme toute Inoffensif qui n'aurait pas perdu à être plus mordant. Mais bon...

 

 

Semaines des 21 et 28 novembre 2001

L'EMPLOI DU TEMPS

Laurent Cantet, réalisateur du petit chef-d'oeuvre qu'était déjà "Ressources humaines" (César meilleure première oeuvre), s'intéresse ici à l'autre face de l'emploi en entreprise, celle des cadres et décideurs, et bien plus qu'à ça d'ailleurs : à l'emploi tout court, à la perte d'un emploi.

Certes il y a quelques moments où l'on ressent un malaise perceptible (Vincent fait le deuil de son emploi, et pourtant tous les ex-collègues avec lesquels il discute lui font part de leur ennui dans leur travail), parfois à vous dégoûter d'être en école de commerce. Mais là n'est pas le propos de ce film magistral (Lion de l'année à Venise), extrêmement difficile à voir psychologiquement, qui s'inspire (avant l'adaptation par Nicole Garcia, avec Daniel Auteuil, du roman "L'adversaire" d'Emmanuel Carrère) de l'affaire Romand (mais "L'emploi du temps" est tout, sauf un film/fait divers (d'hiver, ici, plutôt). La caméra ne lâche pas Vincent, cet homme qui va vivre pendant des mois dans le mensonge, constamment sur le fil ; cet homme qui va se fabriquer un système, un faux boulot, un business louche ; et ce système mensonger va devenir un véritable boulot.

Quel brio chez les dialoguistes, dont les répliques ciselées sont toujours à comprendre à double tranchant : excellentissime scène de canapé (reprise en solo intégralement dans la bande-annonce, et en effet quelle autre scène n'aurait pu décrire le jeu de double, dillemique, du personnage) où un Vincent détruit parle à sa femme de son boulot imaginaire, et ce qu'il y dit reflète à merveille sa vraie situation. Illustré par une magnifique partition (par Jocelyn Pook) de violoncelle, violons et contrebasses, "L'emploi du temps", spirale infernale, enferme le spectateur, complice du personnage, dans une souffrance cruelle : on en sort franchement mal en point, et ce n'est pas la dernière scène, faux happy-end finalement pathétique, qui aide à la digestion.

Attention : chef-d'oeuvre ! Un travail analytique de ce film révèle sa richesse énorme : nombreux plans de route : va-t-il prendre la bretelle de sortie ou pas ? ; insistance sur sa double vie, qui n'est en fait qu'une vie tout court ; j'en passe et des meilleures... Saluons donc Laurent Cantet, au deuxième essai plus que transformé, Aurélien Recoing, dont on n'oubliera jamais le regard, Karin Viard, comme toujours brillantissime de vérité et de subtilité (quel visage lors de la scène du dîner avec le receleur !), mais aussi des seconds rôles écrits et interprétés avec une rare excellence, celui de Serge Livrozet, faux ami, vrai collègue, mais vrai catalyseur de rédemption, et du père de Vincent, interprété par Jean-Pierre Mangeot (quelle image de ce père, assis dans un canapé, dont la sculpture posturale symbolise une espèce de fierté triste, comme annonciatrice ou mélancolique, de la perte, déjà devinée, d'un fils). Jamais un film ne nous aura autant laissé pris sous le feu de sentiments et d'interprétations partagées. "L'emploi du temps", centré autour d'un personnage en apparence d'une si singulière banalité, vous hantera longtemps.

Deux jours après, on en vient même à se demander si cet homme, en perdition, n'a-t-il pas finalement vécu les moments les plus riches et intenses de sa vie ?!! Preuve de l'extrême densité de ce chef-d'oeuvre, d'une force rare et insupportable.

Immanquable, ou plutôt indispensable (d'autant plus immanquable quand on est en école de commerce).

 

TRAINING DAY

Succès post-11 septembre aux USA, ce film déroutant et dur sur l'éducation musclée d'un jeune novice des stups par son coéquipier expérimenté, cynique, violent car "réaliste", s'avère à ma grande surprise un véritable choc. Hyper-réaliste, cynique, dérangeant, le premier personnage de "méchant" qu'interprète ici Denzel Washington est franchement troublant : brillante première demi-heure où il fait son show, violent, macho, dur, aux méthodes discutables, face à un Ethan Hawke qui n'imaginait pas les choses comme ça.

Longues scènes de bagnole et de terrain pour une démonstration musclée de la théorie qui dit qu'aux stups, pour faire son travail dans les quartiers chauds, il faut savoir avoir de la boue pour se faire respecter. Manipulateur et charismatique, Alonzo/Denzel Washington parle et agit comme les racailles de la rue qu'il est censé arrêter. Quelles désillusions pour le pauvre Hoyt forcé à faire les pires choses de sa vie. Antoine Fuqua (l'oubliable "Un tueur pour cible") mène sa barque avec fermeté sur un scénario très bien construit dans une unité de temps maligne (une journée, the "training day") qui va virer dans le foncièrement dégueulasse, car véridique. On est déjà sur la balance quant au personnage de Washington (quelle impressionnante performance d'acteur !), totalement antipathique, mais qui assène des vérités scandaleuses et agit aussi lamentablement que le plus efficacement.

Puis arrive la dernière heure, monstrueuse baffe, d'une rare violence (psychologique, sociale, et enfin physique sur les derniers instants), et forte de rebondissements plutôt inattendus et cohérents. c'était déjà hyper-réaliste, bien plus que chez les séries de Steven Bochco ("Homicide : Life on the Street" ou "Brooklyn South" pour ne citer qu'elles) ; ici, c'est pire, car le flic est pourri...

Porté de bout en bout par un excellent ensemble scénario/réalisation et surtout par le numéro magistral de Denzel Washington, "Training Day", inattendu excellent film, restera comme un film de flic majeur et brutal, qui donne autant à frémir qu'à réfléchir. Intense. On n'avait pas vu ça depuis "Couvre-feu". Dommage que par souci de réalisme, les insultes homophobes (l'insulte suprême de la rue) foisonnent...

 

C'EST LA VIE

J'y allais, avouons-le, avec beaucoup d'appréhension, en me disant intérieurement : "encore un film Télérama, qui se veut d'auteur tout en étant beau et magnifique par ses acteurs et son sujet, avec une Sandrine Bonnaire dans le rôle si propre à Sandrine Bonnaire, bref, un film d'une humilité prétentieuse". Plus le dégoût à priori pour la version idéalisée de la chose (quand même, une histoire d'amour entre ces deux-là, c'est bien peu réaliste ; Dutronc, cardiaque, fait un tour d'avion ! : beau mais peu plausible) etc etc... Fermons-bien les guillemets. Car il s'est avéré que ce film, s'il n'est pas d'une folle originalité (personnage du vieux grincheux, construction à la "Une vive volée"...) ni d'une nuance précise, est beau, intelligent, juste, très très fort. Bien inférieur au récent "Nationale 7", certes. Mais difficile et intelligent.

Bien sûr, on s'attend un peu à ce qu'on va voir : les lettres du générique "C'est la vie" s'éteignent en disparaissant les unes après les autres, la première image du film est un bateau qui vogue paisiblement et déterminé sur une rivière, il y a de longs plans-travellings sur des arbres vivants, et à travers tous les temps aussi... quels symboles ! certes, obligés, mais toujours forts, et c'est bien là l'essentiel. Plaisirs simples : une sortie à la rivière. Une fête. et puis patatras, quelqu'un s'écroule. C'est ça la vie.

Et de toute façon, le regard du spectateur, quoi que l'on dis,e je suis désolé, restera toujours teinté de pathétique, de gêne ou de pitié. et pas forcément le film. Mais soyons honnêtes avec nous-mêmes.

D'autant plus que "C'est la vie" ose montrer des choses rares, celles que nous ne voulons pas voir : les derniers souffles, longs et difficiles, d'une jeune leucémique ; un couple d'homosexuels, arborant un tee-shirt Act-Up Paris, aux physiques détruits, se mourant du sida ; une vieille femmes trop maquillée pour cacher je ne sais quoi ; ... Il y a des moments terribles, puis des instants de fête : car oui, c'est con de le dire, mais c'est ça la vie. Contraste entre un Jacques Dutronc livide et le rire éclatant et le visage doux de Sandrine Bonnaire. et "C'est la vie" n'oublie pas non plus que Bonnaire, à un moment, ne retourne pas au mouroir : l'on comprend en filigrane qu'elle ne veut pas que Dutronc tombe amoureux d'elle, et qu'elle tombe amoureuse de lui. Il y a amour mais pas désir. Il faut oser : c'est presque anti-cinéma, un autre film les aurait fait coucher ensemble.

"C'est la vie" ne cherche pas à nous faire accepter la mort. A mieux la vivre peut-être. Mais c'est un film qui n'oublie rien. terrible dernière scène ou Bonnaire assiste à l'arrivée d'un jeune couple au mouroir. C'est dégueulasse la maladie... Cynisme final qui montre que face à une telle situation, on revient toujours au point de départ. Vous sortirez de "C'es la vie" émus, plus tristes qu'heureux. Mais pas préparés.

Alors OK c'est un peu fabriqué (personnages types, scènes signifiantes -un homo seul chante "Mes amants", etc...- )et pas bien novateur tout ça. voire idéalisé.

Mais en gros, c'est ça, la vie. Et ce film est bouleversant (mot passe-partout qui a beaucoup de valeur ici)

Et ce que je dis n'est pas naïf.

 

TANGUY

(à 28 ans, il habite toujours chez ses parents)

Quand on me demande, en tant que proclamé cinéphile et/ou cinéphage, quel est mon film préféré, et que je réponds en toute franchise qu'il s'agit de "Tatie Danielle", on me regarde toujours avec un air ahuri mêlé de mépris.

Je ne vais pas vous exposer tous les arguments qui soutiennent ce choix trop anti-conformiste (bah oui c'est ni du Max Ophüls ni du Kubrick, ça fait tâche !), ce n'est pas le sujet. Mais après avoir vu "Tanguy", le nouveau film d'Etienne Chatiliez, par ailleurs réalisateurs de "La vie est un long fleuve tranquille", "Tatie Danielle" et "Le bonheur est dans le pré", je ne peux que mon conforter dans ma préférence, j'en suis même fier. Car "Tanguy", comme "Tatie Danielle", et dans l'oeuvre corrosive et cohérente de Chatiliez, est un monument de comédie, et même, de cinéma. Le film est brillant, l'interprétation exceptionnelle, le casting judicieux, la mise en scène d'une précision à couper le souffle, la musique intelligemment distillée, et le scénario aussi subtil que béton : mais quelle construction, quelle intelligence, quelle acuité, quel sens du timing et de l'exagération, quelle drôlerie ! Cynique, noir, corrosif, juste, acide  : quels adjectifs employer pour décrire sans doute la comédie de genre la plus réussie depuis des lustres ? on avait déjà été bluffé et boxé par "Chaos", ou Coline Serreau retrouvée, il y a à peine deux mois.

On retrouve ici Chatiliez plus furieusement brillant que jamais, machiavélique et monstrueux, réussissant l'exploit de perdre son spectateur à chaque crescendo, porté par un chorus de comédiens (le coupe Dussollier/Azéma, Hélène Duc surtout) for-mi-da-bles. Délirant vers l'ubuesque ou le surréalisme quand il faut, pour toujours retomber vers une justesse de vue terrifiante, "Tanguy" fait exploser la liaison parentale, comme dans tous les films d'un Chatiliez, pour finir dans un happy-end qui ne manque pas d'être également grinçant. L'ensemble est hilarant (et un humour incomparablement plus riche que dans le très drôle mais franchement pas fin récent "J'ai faim !" de Florence Quentin, ex-scénariste de Chatiliez).

Je préfère rester dans l'emphase vague, car je crois que l'effet de surprise joue énormément dans l'appréciation à première vue de ce petit bijou qui est aussi riche en surface qu'en x-ième analyse en profondeur. Et c'est pour cela sur, comme "Tatie Danielle", "Tanguy" restera dans les annales d'un siècle de cinéma. Il ne faut pas être précieux et prétentieux dans ses choix. rendons à César... 

« Tanguy » est joué, écrit et mise en scène avec une incroyable précision.

 

LES JOLIES CHOSES

de Gilles Paquet-Brenner

Plutôt bien accueilli par la critique (et par Thierry Ardisson), cette adaptation du roman homonyme de Virginie Despentes s'annonçait comme faussement sulfureux : quelle idée ont donc piqué les casteurs de réunir sous la même affiche l'insupportable Stomy Bugsy, l'horrible Ophélaïe winter-aïe, la transparente Marion Cotillard (la nana de "Taxi"), l'ahuri et ahurissant Titoff, et le "chanteur-qui-se-croit-acteur "Patrick Bruel ! une affiche pareille est digne de Charly et Lulu ou autre connerie à la M6. Un "Bouge" bis ? Une resucée de "Héroïnes" ? C'est sans compter la fascination de Paquet-Brenner pour le cinéma et pour les questions de gémellité, et non forcément pour les dessous du show-biz (quoique bien dépeints), sujet toujours racoleur. Nevrosé et tendu, ce film noir et bien réalisé réussit surtout grâce au chorus de comédiens épatants, en particulier Stomy Bugsy, "normal" et en retrait, touchant presque, et Marion Cotillard, dont la moue intimiste contraste admirablement avec son charisme une fois lancée sur scène (et la chanson est bonne). le scénario insiste juste-ce-qu'il-faut sur le trouble causé par la gémellité, mais n'en fait pas une fausse piste creuse. sans doute moins cérébral que le roman de Despentes, "Les jolies choses" a cependant le mérite au moins de ne pas cracher dans la soupe avant de mieux la boire. c'est déjà pas mal.

 

 

Semaine du 14 novembre 2001

 

BATTLE ROYALE

Voici donc le film qui a fait l'année dernière littéralement exploser les records de fréquentation au Japon, surpassant les résultats de "Titanic", et créant au passage une polémique sans précédent sur la violence dans les oeuvres télévisuelles et cinématographiques et dans la société japonaise tout entière.

Pas difficile de comprendre pourquoi ce film monstrueux et furieusement dégueulasse a suscité autant de passions. Autant vous prévenir : "Battle Royale" est d'une violence inouïe, parfois à la limite du supportable, et volontairement gratuite. Le principe du jeu "B.R" est simple : les adultes, face à la rébellion des jeunes, envoient toute une classe, militairement encadrés, ainsi que par leur professeur poignardé par l'un d'entre eux dans le passé (violence à l'école oblige), sur une île déserte : il ne doit en revenir qu'un ou une vivant(e). C'est le début d'une effroyable tuerie, la mise en pratique réelle de tous les fantasmes adolescents nippons du moment : c'est un jeu vidéo, sauf qu'ici on tue pour de vrai. En somme, un "Survivor", au sens littéral et poussé à l'extrême du terme. C'est Takeshi Kitano qui joue le rôle du prof pince-sans-rire (qui s'appelle aussi Kitano dans le film !) qui regarde ses élèves s'entre-tuer, comme si tout cela était normal. On ne peut y voir qu'un clin d'oeil cynique de la part de ce célèbre réalisateur nippon à tous les jeux qu'il anime réellement à la télévision japonaise ; car les jeux au Japon n'en sont pas loin : vous savez, ils les montrent dans "Drôle de zapping" d'Alexandra Kazan sur TF1, ces jeux où les candidats doivent faire preuve de résistance psychologique et surtout physique, d'une débilité humaine, parfois à la limite de l'acceptable quant à la dgnité humaine des candidats.

Vous l'aurez compris : il faut voir "Battle Royale" au second degré, celui de la métaphore d'une société japonaise, entre ses jeux télé, sa fascination des jeunes pour la violence à la télé et dans les jeux vidéo, son individualisme et élitisme forcené dans sa société (milieu professionnel : voir le "Stupeur et tremblements" d'Amélie Nothomb ; éducation...), dont le seul mot d'ordre est l'obéissance aux supérieurs et le dépassement de soi pour la compétitivité (un des élèves vient justement de vivre le suicide de son père, viré de son emploi, qui lui a laissé un mot : "Bon courage pour affronter cette société"). Et quelle inhumaine métaphore ! Le principe du film est horriblement révolutionaire, même si tout cela fait un peu penser aussi bien à "Rollerball" ou encore à "Running Man" avec Schwarzenegger (et en France au "Prix du danger" d'Yves Boisset). Cependant, le développement du film est plutôt répétitif, et tout cela se transforme en compte-à-rebours macabre (laborieuses et lourdaudes mises en parallèle de élèves et de leurs situations passsées). Mais il reste une première demi-heure magistrale, définition même du cauchemar. Il faut voir la vidéo réalisée comme une émission branchée de MTV, que les jeunes nippons adorent, où une présentatrice toute excitée explique les "règles" (sic !) du jeu !

"Battle Royale" apparait alors largement comme un long-métrage anti-jeunes (qui a d'ailleurs été réalisé par un metteur en scène de 70 ans) ; les futilités des querelles d'ados se prolongeant en leurs morts respectives... A ce titre, notons une fin curieuse : la résurrection inattendue d'un kitano criblé de balles : symbole del'artificialité de la mort, tellement banalisée par la violence des oeuvres visuelles au Japon ?

En somme "Battle Royale" serait un film utile ? Quoiqu'il en soit, on s'en souviendra comme d'un cynisme scandaleux. Un film fascinant, moyen mais majeur.

Notez que pendant l'exploitation du film en salles, un jeune ado de 15 ans a brandi en plein Kobé sur un piquet de bois la tête d'un de ses camarades de classe qu'Il venait juste de le tuer.

Sic.

 

D'ARTAGNAN
("The Musketeer")

Plate et parfois grotesque, cette nouvelle déclinaison sans aucune inventivité du roman moultes fois massacré d'Alexandre Dumas est aussi inutile que ratée. Peter Hyams, jadis bon réalisateur, échappé d'un bancal "la fin des temps" avec Schwarzenegger mais qui avait au moins le mérite d'être intriguant, filme et éclaire ici un scénario anémique qui sonne faux dès le départ. Lamentable première scène de combat, débile et filmée à la hachette. Les autres sont tout aussi à l'avenant : un nom chinois au générique (franchement risible et démodé, pompeusement mis en musique par le toujours désastreux jeune compositeur David Arnold) pour les chorégraphies des combats ne suffit pas à insuffler un vent de modernisme à l'historique : il faut voir pour le croire les (rares heureusement) envolées d'un D’Artagnan sautant d'un cheval à l'autre, comme sorti de "Tigre et Dragon" ! Sinon cette surprise hallucinante, rien de neuf dans cette chose qui ne sent rien d'autre que le cliché : d'un casting absolument déconcertant de logique (Tim Roth en méchant, Catherine Deneuve en reine... si c'est pas du déjà-vu cachetonné, ça !), curieusement international (mais que foutent Jean-Pierre Castaldi échappé de "Fort Boyard" en cocher d'une calèche, et Tsilla Chelton dans vingt secondes d'apparition affalée dans un fauteuil de grand-mère !), et à l'interprétation désuète. Le jeune et bô Justin Chambers, incroyablement bouffi et enlaidi dans le film, n'a aucun charisme (mieux vaut préférer le chevalier moderne et plein de fougue Heath Ledger dans le moyennâgeux et rock'n'roll "Chevalier") pour pouvoir sauver cette avalanche de scènes débiles et obligées montée sans aucune nuance, pas trop mal éclairées cependant. J'imagine déjà qu'on retrouvera ce nanar aux dialogues ineptes mais acceptable qui a parfois des allures de téléfilm fond de tiroir dans les futures chroniques de François Forestier du Nouvel Obs. Seule Mena Suvari s'en sort.

 

Y TU MAMA TAMBIEN
("Et ta mère aussi !")

Comédie espagnole aussi débridée que mélange entre les films d'Almodovar et le "Krampack", comédie espagnole ado, entre "Beautiful Thing", un "Comme un garçon" ensoleillé, et un "American Pie" plein de finesse, où deux meilleurs potes découvraient la sexualité, ensemble, puis l'un brunet se dirigeant vers les filles, l'autre blondinet vers l'homosexualité.

Un road-movie initiatique sur une amitié à toute épreuve, mise à l'épreuve justement par une jeune femme déclencheuse  de ruptures (une Victoria Abril bis). Filmé avec liberté (par un Alfonso Cuaron rentré chez lui dont on se rappelle la lourdeur hollywoodienne de « De grandes esperances »), plein d’homo-érotisme (branlette entre potes, amitié exacerbée et hystérie ado, triolisme final qui se conclut sur un baiser homo langoureux), le film cache, derrière son énergie, une subtilité étonnante dans le  traitement  de la tragédie sous-jacente dévoilée à la fin du film. Notez la crudité des dialogues et des scènes de sexe, l’aspect  vivifiant, sympathique et décomplexé (Cinélive), une vision juste et sans fards du Mexique, et surtout pour nous une amitié qui va forcément dégénérer vers une homosexualité sous-jacente (lors d'une scène de triolisme pas innocente). L’épilogue, d'une intelligence extraordinaire et quelque peu inattendue, confirme tout le bien qu’on peut penser d’un film qui n’a été malheureusement distribué qu’à 5 copies en France.

 

Les nouvelles sorties cinéma de cette semaine représentent une galerie de longs-métrages qui ont été largement plebiscités par la critique, mais que je n’ai pas encore eu le temps de voir, en l’occurrence :

 

THE BARBER, L'HOMME QUI N'ETAIT PAS LA

Le dernier des frères Coen.

L'avis de David :

Ce film vous fera passer un bon moment ; le personnage principal, Ed Crane, n'est pas sans rappeler le personnage de l'Etranger de Camus. Comme dans tous les films des frères Coen ("Fargo", "Big Lebowsky"...), l'histoire devient vite rocambolesque et frise parfois l'absurde, mais toujours dans un humour décalé et génial qui fait le charme de ces réalisateurs de talent.

On se transpose facilement dans le cadre des Etats-Unis des années 50, grâce à l'image en noir et blanc et à la photographie très travaillée. On retiendra avant tout une galerie de portraits au vitriol de personnages tous plus siphonnés les uns que les autres. Dommage que la fin soit un peu convenue.

 

 

Semaine du 7 novembre 2001

 

Il a mis du temps à arriver, mais il est bien là : c'est l'automne, bientôt l'hiver, la température baisse, Catherine Laborde a mis une écharpe, et tout le monde est bien content de se retrouver chez soi devant sa bonne vieille télé, ou affalé dans un beau fauteuil de cinéma (bah oui, quoi, y'a pas que les clubs ou les saunas dans la vie ?!).

Mais que voir, quoi sélectionner , comment éviter de perdre son temps devant une merde ? Mon humble expérience de cinéphage acéré peut se proposer de vous guider devant un éventail de film de plus en plus ouvert (on en est à une dizaine de sorties par semaine, les distributeurs balançant tous leurs succès éventuels avant les déferlantes " Harry Potter à l'école des sorciers" et " Le seigneur des anneaux 1 : La communauté de l'anneau ".

 

A l'affiche cette semaine à Lyon (et ailleurs), ou comment éviter l'incontournable Bridget Jones :

 

WASABI

Après avoir commis les passables " Taxi 1&2 " et " Yamakasi ", Luc Besson, reconverti en scénariste paresseux, commet ici une gigantesque merde pas drôle, pas spectaculaire, mal dosée, et vide de sens (mais bon, c'est Luc Besson, donc y a-t-il un sens à ses films ?). l'histoire est incroyablement simplissime (j'ai écrit la même en maternelle), et dessert un film qui a été vendu (l'affiche en témoigne) comme… les " Taxi " et " Yamakasi ", tiens !

Quoiqu'il en soit la publicité mensongère publiée dans les quotidiens cette semaine (annonçant " Wasabi " comme " le film n° au box-office ", alors qu'il s'est fait battre par " American Pie 2" , pourtant en troisième semaine d'exploitation !) indique bien un mécontentement assez général des spectateurs. A raison ! Comment adhérer à un énième film où Jean Réno fait son même numéro, avec un charisme de plus en plus fabriqué, où Michel Muller cabotine avec autant de ferveur qu'Elie Semoun sur les plateaux d'Arthur, où le réalisateur Gérard Krawczyk se contente d'une mise en scène aussi pauvre que pépère !
Bref, en quatre mots, c'est l'arnaque du mois.

Les toujours motivés iront voir " Wasabi " pour découvrir l'énergie excitée de Ryoko Hirosue, sorte de Steevy féminin, super star au Japon.

 

COUPLE DE STARS
(" America's Sweethearts ")

On attendait beaucoup de cette comédie qui réunit un casting prestigieux : Julia Roberts, Catherine Zeta-Jones, John Cusack, Billy Crystal, Joe Roth, ex-patron de studio à la réalisation, et Billy Crystal, présentateur amusé et amusant des Oscars, à l'écriture ; autour d'un scénario se voulant acerbe quant aux coulisses d'Hollywood. On en ressort le sourire béant… mais avec l'impression majeure d'avoir vu une nouvelle comédie romantique avec Julia roberts. Sans doute Crystal a-t-il reculé devant son ambition préalable, et a-t-il eu peur : son regard acéré s'atténue de plus en plus au fur et à mesure que le film avance, et " Couple de Stars " s'apparente alors plus à une bonne comédie… hollywoodienne.

Certes, on y rit quelquefois, mais tout s'avère bien gentillet : par exemple,le caméo de Larry King ne dépasse pas la critique trop facile à la Jay Leno, alors qu'on s'attendait à du David Letterman en puissance.

Bref, Disney a pris le pas. Et aux USA, où le film a péniblement atteint sa cible des 100 millions de $ de recettes, les spectateurs ont pris la fuite.

 

GREGOIRE MOULIN CONTRE L'HUMANITE

Le prologue est formidable : sur un tempo hilarant, une présentation gaguesque du passé d'un personnage inédit condamné à l'échec social et aux emmerdes.

On l'a dit souvent : cette comédie décalée se situe entre " After Hours ", Michael Kael et compagnie, et Amélie Poulain, si si !.
Que dire de plus : on s'amuse beaucoup, on se prend d'affection pour le pauvre Grégoire Moulin, en plein cauchemar. Artus de Penguern, réalisateur, scénariste et acteur principal du film, fait ici preuve d'une originalité sans failles et d'une constante imagination. Les incursions flaubertiennes le prouvent : c'est du n'importe quoi ! Un peu répétitif certes, mais franchement convaincant quand l'excellent Didier Bénureau s'amuse à jouer un pédé obsédé sexuel pervers et collant qui vous rappelle vos pires cauchemars quand le seul gros baveux présent à l'UC ce soir-là se met dans la tête qu'il va vous sauter ce soir…

 

REINES D'UN JOUR

Enième " comédie moderne " comme dirait l'agaçante Isabelle Motrot (mais on va lui demander à Isabelle qu'est-ce qu'elle entend par " comédie moderne "), ce film kaléidoscope sans début ni fin intrigue aussi bien qu'il déçoit. Porté de bout en bout par Karin Viard, formidable monument d'égoïsme comme nous le sommes tous, le film multiplie des saynètes justes dont le rapport entre elles est parfois quelque peu délicat. C'est sans doute le film le plus convaincant et bancal à la fois de Marion Vernoux. Woody Allenien…

 

MOULIN ROUGE

Sans doute dans ses dernières semaines, la comédie musicale déjantée et kitchissime (overdose de couleurs) de Baz Luhrmann vaut le coup d'œil.

Tout a été dit sur ce film au premier abord épileptique (puis après le monteur calme un peu le jeu) mais constamment inventif, surtout dans ses remixes musicaux si l'on puit dire.

Félicitions quand même pour cette esbroufe visuelle qui masque à merveille les plaies béantes d'un scénario un peu anémique. Mais Ewan McGregor n'a jamais été aussi beau !

 

LE PETIT POUCET

Alors là, soyez prévenus : n'y emmenez pas vos petits frères et petites sœurs. Trop fidèle à Charles Perrault sans doute, la littérature en moins, le réalisateur Olivier Dahan, à peine remis de son sexuel et homophobe "Déjà mort ", n'y est pas allé de main… morte : dans des décors studios vraiment réussis, il nous propose un film comme on en fait plus (avec générique de fin au début et tout et tout…), franchement effrayant, interprété à l'ancienne (et c'est assez risible, surtout pour Romane Bohringer), et réalisé itou. L'ensemble est plutôt réussi, il faut l'avouer, mais la musique de Joe Isaischi, compositeur génial des bandes originales de Kitano et des dessins animés japonais de Miyasaki (to-to-ro to-to-ro !), sirupeuse à souhait, n'a jamais été aussi mauvaise.

L'avis de David :

Homophobe, "Déjà Mort" ? Tiens, je ne l'avais pas vu comme ça... Pourtant, j'adore ce film, je l'ai vu au moins 10 fois !

 

A.I : INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Bancal et hybride, aussi riche que mâché, le dernier Spielberg, d'après Kubrick, souffre de 25 dernières minutes finales en trop d'une part, et franchement lamentables d'autre part. Sans doute sous la pression de Warner, producteur soucieux d'offrir un semblant de happy-end, Spielberg nous propose en bouquet final d'absurdes extraterrestres à la Mission To Mars (et pourquoi les extraterrestres nous ressembleraient, d'abord ?), ridicules, et une lourdeur explicative comme on n'en avait pas vue depuis longtemps.

C'en est d'autant plus dommage que, contrairement à ce que les fans les plus aveugles de Kubrick, parmi lesquelles 90% des critiques de cinéma, l'ont crié haut et fort, " A.I " est plutôt bon, et la première fin, logique, en aurait fait un intelligent et cynique " Pinocchio ".

Epuré et alliant le quasi-philosophique à la Kubrick avec le sentimentalisme enfantin à la Spielberg avec finesse, " A.I " est interprété avec excellence par le splendide Haley Joel Osment, qui, s'il n'a pas eu l'Oscar pour " Sixième Sens ", ne peut se le voir refuser ici. Aussi génial que l'est sa partenaire Frances O'Connor, aussi brillante ici que le fut Kate Blanchett dans " Intuitions ", il offre à cet échec commercial injuste mais expliquable (car déroutant) une présence troublante, fine, et mise en scène avec précision.

Glaçant et jamais emphatique, " A.I " ne souffre en fait, et là je vais me faire engueuler, que de la présence dans une seconde partie d'un Jude Law massacré par son maquillage, dont le personnage, comme contraire à celui du petit David, est franchement moyennement exploité.

Mais qu'importe : la première demi-heure est magistrale et vaut à elle seule le déplacement pour sa densité. L'occasion n'est pas coutume, félicitions aujourd'hui le certain minimalisme du score de John Williams, plus proche des Café Del Mar que de James newton howard.

L'avis de David :

Ce film souffre d'une mauvaise image depuis sa sortie, et j'ose affirmer ici qu'elle est un peu injustifiée. J'approuve les commentaires de Bertrand, en particulier en ce qui concerne l'interprétation de Harvey Joel Osmond. Le film jouit d'un scénario très imaginatif, et cela faisait longtemps (depuis Matrix ?) que je n'avais pas autant apprécié un film de science-fiction. Une réserve pour le passage de destruction des robots au cours d'une sorte de grand auto-dafé, c'est un peu gros et c'est une façon de singer Fahrenheit 451.

Je vous encourage à découvrir ce film sur grand écran, contrairement à moi qui l'ai vu en DivX sous-titré en chinois.

 

BLEU PROFOND
("The Deep End")

Puisqu'il faut bien finir par ce qui nous intéresse, soulignons la sortie de ce film où une mère aimante veut protéger son fils pédé des vengeurs de son ex-amant tué mystérieusement.

Bon okay, je résume le film très très grossièrement (en fait, on sait dès le début comment il est mort…), mais ce thriller lent et contemplatif plutôt réchauffé ne mérite franchement pas une attention soutenue.

Une mise en scène constante dans la dominante bleutée et " infinie ".

Plutôt décevante et ennuyeuse, cette histoire est étonnamment simpliste.

Chantage qui tourne à l'histoire d'amour ; amour maternel : les deux thèmes traités dans ce film dont il faudra surtout retenir la constance dans l'esthétique bleutée (lumière) et infinie (fondus enchainés, lacs infinis en travelling hélico générique, yeux bleus du mec tué au début, bleu du bar gay aux sublimes barmen au début du film).

Vide comme les yeux vagues de Tilda Swinton, très Cate Blanchett dans "Intuitions", quand elle voit son fils (Jonathan Tucker, oui oui, le Mr petite culotte de fille dans l'hétéro-beauf "100 Girls") se faire prendre par son amant moustachu.

Eau omniprésente, musique hypnotique (à la "American beauty"). Pas un film sur la réaction d'une mère face à l'homosexualité, mais malaise quand la mère découvre que son fils a une sexualité, qu'il a grandi.

Dernière observation : le personnage "rédempteur" de Goran Visnjic (échappé de " Urgences ") est bien peu crédible.

Voilà en deux mots les films que j'ai vus la semaine dernière, en attendant si vous le voulez bien mes modestes commentaires sur ceux que j'ai vus cette semaine, en l'occurrence "Le vélo" de Ghislain Lambert, "Princesse malgré elle", "The Barber", "C'est la vie", "J'ai Faim", "D'Artagnan" et "Training Day".

Peu de sorties annoncées concernant la cause gay, si l'on puit dire, sauf sans doute le lesbien " Mulholland Drive " de David Lynch, fin Novembre.

Mais mobilisez-vous auprès de Gaumont Buena Vista International, distributeur peureux d'une comédie pédé avec le trop mignon Dean Cain notamment. Casting, film brûlant et génial, entre " Sex and the City " et "Queer as Folk ", intitulée " The Broken Hearts Club ".

Sorti aux USA la semaine dernière, ce marivaudage Queer réalisé et produit par Greg Berlanti et Kévin Williamson, couple gay producteurs et scénaristes des séries " Dawson's Creek " et " Wasteland " - deux séries pour ado avec un major personnage Gay chacuns-, est du feu de Dieu.

Enfin, message personnel, si quelqu'un connaît personnellement le mimi Jonathan Taylor Thomas, qu'il me contacte : I LOVE HIM.

© Bertrand

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